Article paru dans le magazine 227_Mai 2023 / Rédigé par Simon Billeau et photos de Maurten – Activ’images et précision Fuel Hydration (Léon)
Pour participer à un triathlon et donc franchir la ligne d’arrivée, il vous faut produire un travail mécanique. Ce travail n’est possible que si votre “moteur” est alimenté en énergie. Heureusement, la “machine” humaine est naturellement dotée de fonctions de survie et stocke donc de l’énergie, que ce soit dans le foie, les muscles et les tissus adipeux. On parle souvent de la nutrition comme de la 4e discipline d’un triathlon. Mais peu de triathlètes donnent assez d’attention à ce critère limitant la performance…
Si vous faites des épreuves courtes genre super sprint, vous vous en sortirez sans problème. Au-delà de 30 minutes, vous affectez votre capacité à performer à votre meilleur niveau voire vous mettez votre santé en danger.
« Autrefois, les recommandations d’ingestion de glucides par heure étaient de 60 g maximum. Maintenant, certains athlètes avoisinent voire dépassent les 120g. »
Dans cet article, on se concentre donc sur la stratégie nutritionnelle à adopter en course. Une ère nouvelle a vu le jour depuis le lancement de la marque suédoise Maurten. Autrefois, les recommandations d’ingestion de glucides (par heure) étaient de 60 g maximum. Maintenant, on voit des athlètes avoisiner voire dépasser les 120g. Est-ce la recette miracle pour performer sur triathlon longue distance? Doit-on faire de même sur courte distance ? Nous tentons ici d’apporter des éléments de réponse.
Commençons d’abord par un petit rappel historique des connaissances en matière de nutrition. Au début des années 1900, il a été découvert que les glucides étaient une source d’énergie pour l’exercice. Dans les années 60, une étude a montré que le glycogène musculaire jouait un rôle significatif dans l’exercice. Puis, dans les années 80, d’autres études affirmaient que l’ingestion de glucides durant l’effort améliore la performance.
Depuis les années 2000, l’American College of Sports Medicine recommandait d’ingérer entre 30 et 60 grammes de glucides par heure. On limitait l’ingestion de glucides à 60 g/h car au-delà, des troubles gastro-intestinaux peuvent se manifester.
Or, les choses ont changé depuis 2015 et la création de Maurten, mais également de Precision Fuel & Hydration en 2011, spécialisée dans la personnalisation de la stratégie nutritionnelle en offrant un test de sueur individualisé mettant en évidence l’importance du sodium. Aujourd’hui, les plus grands scientifiques recommandent des doses de glucides bien plus élevées (supérieure ou égale à 120 g/h), informent de l’obligation de varier les transporteurs de glucides, mais aussi et surtout d’entraîner son estomac à s’adapter à ces doses extrêmes !
Des valeurs de glucides en g/h à adapter en fonction des durées et intensités
De ce petit rappel historique, vous comprenez que les connaissances évoluent, qu’il est essentiel de connaître les produits que l’on ingère, et qu’il est primordial de travailler la capacité de l’estomac à les oxyder et les rendre disponible pour la circulation sanguine au plus vite.
La première des choses à déterminer est l’intensité de l’exercice et sa durée. Si le triathlon ne dure qu’une heure, une petite quantité de glucides peut être ingérée ou simplement placée dans la bouche à la façon d’un bain de bouche ! De 1 à 2h, 30 g/h de glucides sont suffisants pour performer à votre plus haut niveau. Entre 2 et 3h, 60 g/h est la référence.
Enfin, au-dessus de 3h, les 500 g de glucides stockés dans le foie et les muscles ne suffisent pas à vous faire rallier la ligne d’arrivée à la vitesse désirée. C’est pourquoi le professeur Asker Jeukendrup recommande au minimum 90 g/h de glucides. Par contre, il appuie sur le fait que lorsque le taux de glucides dépasse 60 g/h, il faut un mix de glucides.
Cependant, tous les glucides ne sont pas les mêmes ! Concentrons nous donc sur les épreuves de longue durée ou la nutrition reste mystérieuse, et tentons de vous donner des conseils à suivre.
Épreuves de longue durée : mix de glucides
Il y a des glucides qui sont plus rapides que d’autres, mais aucun glucide ne peut être oxydé à un taux de plus de 60 g/h. Les glucides rapides sont le glucose, le sucrose, le maltose, les maltodextrines et certains amidons (ceux solubles dans l’eau).
Les glucides lents sont le fructose, le galactose, le tréhalose et certains amidons (insolubles dans l’eau). Le fructose et le galactose sont plus lents car ils doivent passer par le foie pour être convertie en glucose ou lactates, deux très bonnes sources d’énergie pour les muscles. Vous comprenez donc qu’il faut choisir ces aliments ou produits énergétiques.
Pour comprendre comment optimiser votre mix de glucides, il faut se pencher (2 minutes) sur l’absorption des glucides. On peut définir l’absorption des glucides comme le procédé permettant le déplacement des glucides de l’intestin à la circulation sanguine. Les différents glucides ont besoin d’un transporteur pour passer à travers les 2 membranes et rejoindre la circulation sanguine. Ces transporteurs sont des protéines intégrées aux membranes.
Le glucose utilise un transporteur qui est dépendant de la concentration en sodium (d’où son importance dans le mécanisme de la production d’énergie). Ce transporteur est saturé à partir de 60 g/h. Il est donc inutile d’ingérer plus de 60 g/h de glucose car le surplus reste dans l’intestin et cause des troubles gastro-intestinaux.
En revanche, les scientifiques ont découvert que si vous maximisez le taux de glucose à 60 g/h et que vous utilisez en complément un autre glucide comme le fructose, vous pourrez augmenter l’absorption des glucides.
Voici les combinaisons “magiques” pour pouvoir dépasser la barre des 60 g/h :
- Glucose – Fructose
- Maltodextrine – Fructose
- Glucose – Sucrose – Fructose.
« Les glucides sont plus facilement absorbables par votre intestin quand la fréquence cardiaque est “relativement” basse. »
Si vous avez bien suivi, l’important est d’assurer que 60g/h de glucose est ingéré, puis il faut s’habituer à ingérer une autre source de glucide et d’en augmenter le ratio. En général, les nutritionnistes du sport recommandent un ratio glucose – fructose de 2:1 soit 90 g/h de glucides jusqu’à une égalité parfaite 1:1 vous donnant 120 g/h de glucides. Mais cela doit se faire par un entraînement de votre estomac.
Si vous avez suivi la magnifique victoire du Français Léon Chevalier sur l’IRONMAN d’Afrique du Sud, Precision Fuel & Hydration qui le sponsorise a révélé ses données nutritionnelles
Il aurait consommé 124 g/h de glucides et bu 720 ml/h pour la partie vélo. Il a donc surement utilisé un mix de boisson énergétique, d’électrolytes et de gels. Sur le marathon, il a augmenté son volume hydrique a 1107 ml/h pour un taux de glucides de 94 g/h. Nul doute qu’il entraîne son corps sur certaines séances clés à s’adapter à ses concentrations de glucides, sodium et de volume hydrique.
À l’instar de Léon qui se pose une semaine avant un événement majeur avec son nutritionniste de chez PH pour parler de la meilleure stratégie nutritionnelle, il me semble intéressant d’utiliser la période d’affûtage pour planifier une stratégie notamment en fonction des parcours et du climat prévu.
Retenez que les glucides sont plus facilement absorbables par votre intestin quand la fréquence cardiaque est “relativement” basse. Ainsi, il est préférable de plutôt prendre un gel ou une gorgée de boisson à la fin d’une descente plutôt qu’au pied ou au sommet d’une côte. Cela veut dire aussi qu’il faut s’entraîner à pouvoir piloter un vélo d’une main.
Tester, s’entraîner et se connaître
Ensuite, sachez que la température corporelle a un impact sur la performance et que lorsqu’elle augmente, un stress est perçu par la circulation sanguine qui tente d’envoyer du sang vers la peau pour refroidir le corps, mais aussi vers les muscles pour maintenir l’effort. En termes de nutrition, il est donc essentiel de maintenir un apport hydrique pour contenir l’augmentation de la température corporelle et apporter les nutriments essentiels pour la production d’énergie.
La société Core Body Temperature, via son capteur, permet de suivre en direct l’évolution de votre température corporelle et vous aide donc à faire des choix quant au tempo et aux stratégies à mettre en place. Par exemple, s’asperger d’eau en haut d’une côte précédant une descente permettra de réduire la température corporelle plus significativement que si l’arrosage est fait sur le plat ou en montée. Cette diminution de la température corporelle facilite l’absorption des glucides dans la circulation sanguine. https://corebodytemp.com/
Enfin, une technologie récente permet de mieux apprendre à se connaître, mais aussi et surtout à mesurer l’incidence de l’ingestion d’un produit alimentaire, liquide ou énergétique sur la concentration de glucose dans le milieu sanguin, il s’agit du capteur Super Sapiens.
https://www.supersapiens.com/en-EN/
L’intérêt de connaître le taux de glucose dans le sang en temps réel permet de réguler l’effort et d’ajuster les apports glucidiques avant de ressentir une baisse de performance. Cependant, comme l’adaptabilité de l’estomac, cet outil demande des efforts afin d’en tirer profit. Mais les gains peuvent se révéler importants.
Qui aurait cru que courir en moins de 2h sur marathon serait possible il y a quelques années ? Qui aurait cru que le top 10 à Kona en 2022 serait intégralement sous les 8h. Pourtant, en tant qu’être humain, notre patrimoine génétique n’est pas meilleur que dans les années 50 ou 60. Nous ne sommes pas plus forts ou plus rapides que nos aînés. Par exemple, Mathieu Van Der Poel a gagné le dernier Paris Roubaix a une vitesse record de 46,8 km/h. Or, la 4e édition la plus rapide de l’histoire de cette Classique a été remportée par Peter Post en 1964 avec 45,1 km/h sur un vélo en acier sous une pluie battante.
Cet exemple n’a que pour but de tenter de vous convaincre que l’entraînement physique est primordial, mais que les découvertes récentes en nutrition sont une avancée majeure pour l’amélioration des records.