PAR JEAN-BAPTISTE WIROTH
DOCTEUR EN PHYSIOLOGIE DE L’EXERCICE WTS – THE COACHING COMPANY® LE RÉSEAU DE COACHS N°1
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Le triathlon est un sport très exigeant, en particulier en cas de conditions de forte chaleur comme on peut en rencontrer lors des épreuves estivales ou lors d’épreuves exotiques comme les Ironman d’Hawaï ou de Cozumel. C’est un fait, la chaleur est source de contre-performance pour de nombreux triathlètes car elle contribue à la perturbation de la thermorégulation et à l’apparition précoce du phénomène de fatigue. Ce phénomène est particulièrement flagrant lors des épreuves de triathlon longue distance.
La clé de la réussite réside donc dans la capacité à poursuivre un effort soutenu et régulier tout au long de l’épreuve, et en particulier au cours de la phase de course à pied.
La nutrition étant un coeur de cette problématique de la performance, nous allons examiner comment repousser ses limites tout en préservant sa santé.

Chaleur et fatigue

Lorsque effort physique et chaleur sont associés, les athlètes sont confrontés à plusieurs phénomènes potentiellement concomitants qui sont généralement d’autant plus prononcés que la chaleur est importante.

Il s’agit principalement de l’hyperthermie et de la déshydratation, et dans un second temps, des troubles digestifs.
Lors d’un effort physique, l’hyperthermie, voire l’insolation ou plus grave le coup de chaleur, survient lorsque les mécanismes de thermorégulation sont dépassés et que la thermogenèse est supérieure à la thermolyse.
L’hyperthermie donc un problème crucial pour les triathlètes car probablement à l’origine de la fatigue centrale.
En natation et en vélo, l’hyperthermie est rare car le flux d’eau et d’air permet généralement d’évacuer la chaleur par convection.
En course à pied, la vitesse de déplacement étant beaucoup plus faible, l’évacuation de la chaleur se complique notablement.
Une étude récente montre que la performance est amoindrie en cas de forte température avec un travail mécanique plus élevé à 21°C comparativement à 40°C (Ely et al., 2010).

Chaleur et déshydratation

La déshydratation est un phénomène consécutif à la sudation qui est associée à l’effort. Bien que la sudation soit sous le contrôle de mécanismes complexes et automatisés, le débit de sueur est essentiellement fonction du gabarit de l’athlète (plus on est « charpenté », plus on transpire), de l’intensité de l’effort, des conditions météorologiques d’une part, et de l’état d’hydratation d’autre part.
La déshydratation se traduit rapidement par une baisse du volume plasmatique qui occasionne un surcroit de travail cardiaque pour maintenir un début sanguin optimal. De récentes études montrent que la réalisation d’une hypohydratation couplé à un stress thermique induit une dégradation de la performance de 1,6% par degré d’élévation de la température cutanée (moins on boit et plus la température corporelle monte et moins on est performant (Kenefick et al. 2010).
Cette même étude montre la contrainte cardiovasculaire induite par un début sanguin cutané élevé combiné à une réduction du volume plasmatique est un facteur important de la diminution de la performance.

En pratique

Repousser l’apparition de la fatigue, qu’elle soit centrale (système nerveux) ou périphérique (muscle) est donc la pierre angulaire de la réussite en triathlon, en particulier lorsque la température et l’hygrométrie sont élevées.
Du fait de l’enchaînement des 3 disciplines, les triathlètes sont confrontés à une problématique particulière en ce qui concerne la prévention de l’hyperthermie et de la déshydratation.
Voici quelques conseils pratiques pour performer en ambiance chaude :

1. Essayer de s’acclimater en amont de l’épreuve soit en s’entraînant chez soit en conditions spécifiques (en milieu de journée), soit en arrivant plus tôt sur le lieu de la course;

2. Porter une tenue vestimentaire adaptée : casquette, vêtements clairs et couvrants;

3. Porter des lunettes de soleil : c’est un moyen efficace pour diminuer la perception et les effets de la réverbération et du rayonnement lumineux sur le système nerveux;

4. Se sur-hydrater (2 litres par jour) les jours précédents l’épreuve pour constituer des stocks hydriques;

5. Faire un réveil musculaire le matin de l’épreuve (4h avant) pour préparer l’organisme à opérer une thermolyse efficace, notamment par la stimulation des protéines de choc thermique (Heat Shock Proteins);

6. Planifier avec soin les apports en boisson pendant la course : une fois la compétition entamée, dès la première transition puis pendant toute la partie cycliste, il faut songer à s’hydrater régulièrement avec une boisson énergétique à raison de 500 à 750ml par heure d’effort. En course pied, il vaut mieux boire très régulièrement de petites quantités afin d’éviter un blocage gastrique. L’idéal est de boire une boisson énergétique un peu moins concentrée que celle consommée durant la partie cycliste. Une alternative consiste à absorber 1 gel de 20g toutes les ½ heures avec un verre d’eau;

7. Augmenter les apports en sodium en ajoutant 1 pincée de sel par bidon;

8. Consommer des compléments enrichis en caféine pour stimuler la synthèse des « protéines de choc thermique » (Whiteman M et al., 2006);

9. Refroidir les muscles actifs en s’aspergeant d’eau froide, en particulier en vélo dans les ascensions et en course à pied où la vitesse de déplacement est plus faible. Les cuisses, la nuque, le crane sont les zones qui doivent être privilégiées.

Conclusion

Les méthodes pour lutter contre le stress thermique sont relativement simples et il suffit de les appliquer pour être au top le jour J.
Cependant, des recherches récentes semblent montrer que certains neurostransmetteurs, dopamine et noradrénaline, sont impliqués dans les mécanismes de thermorégulation à l’effort et d’apparition de la fatiguecentrale (Roelands et al., 2010). Il est donc probable que les recommandations évoluent dans le futur, notamment sur le plan nutritionnel.

Références
1- Aerobic performance is degraded, despite modest hyperthermia, in hot environments. Ely BR, Cheuvront SN, Kenefick RW, Sawka MN. Med Sci Sports Exerc. 2010 Jan;42(1):135-41
2- Novel Pre-Cooling Strategy Enhances Time Trial Cycling In the Heat. Ross ML, Garvican LA, Jeacocke NA, Laursen PB, Abbiss CR, Martin DT, Burke LM.Med Sci Sports Exerc. 2010 ay 27
3- Skin Temperature Modifes the Impact of Hypohydration on Aerobic Performance. Kenefick RW, Cheuvront SN, Palombo LJ, Ely BR, Sawka MN. J Appl Physiol. 2010 Apr 8
4 – Effect of caffeine supplementation on the extracellular heat shock protein 72 response to exercise. Whitham M, Walker GJ, Bishop NC. J Appl Physiol. 2006 Oct ; 101(4):1222-7
5- Alterations in central fatigue by pharmacological manipulations of neurotransmitters in normal and high ambient temperature. Roelands B, Meeusen R. Sports Med. 2010 Mar 1;40(3):229-46