Article paru dans TrimaX-magazine n°237 – mai 2024 / article : JB Wiroth, photos : activ’images

On a tous des phrases ou expressions fétiches qui nous permettent d’expliquer certaines idées ou de matérialiser certains concepts. Pour ma part, j’ai constitué une petite collection de “mantras” servant à illustrer mes propos auprès de mes athlètes. En voici 7.

Mantra #1 : « Tout part de l’objectif. »

Effectivement, je considère que la quasi intégralité du processus d’entraînement part de la détermination de l’objectif ou des objectifs. Sans objectif précis, l’athlète a du mal à se motiver et le coach ne sait pas bien dans quelle direction aller pour faire progresser son athlète.

Rien ne remplace donc un objectif clairement identifié dans le temps ! Selon le niveau de pratique, cela peut être la participation à son 1er triathlon, ou à l’opposé la confrontation à l’un des monuments du triathlon comme l’Embrunman, le Norseman ou encore les JO, mais il y a peu de places pour celui-là !

Pour mémoire, un objectif doit être SMART :

  • Spécifique
  • Mesurable
  • Atteignable
  • Réaliste
  • Temporel

Mantra #2 : « C’est la dose qui fait le poison. »

Édicté par le physicien Paracelse (ou Paracelsus) au 15e siècle, ce dicton s’applique bien au domaine du sport et de la nutrition sportive. En effet, la biochimie et la toxicologie sont une histoire de dosage, et il en est de même de la charge d’entraînement ou de ses apports nutritionnels.

Ce mantra renvoie donc indirectement vers la notion d’individualisation de l’entraînement et de la nutrition, qui sont 2 clés essentielles pour faire progresser les athlètes. Tout l’enjeu pour un entraîneur est de proposer la bonne charge d’entraînement à un athlète donné et à un moment donné.

Mantra #3 : « Mieux vaut en faire un peu moins qu’un peu trop. » (à l’approche d’un objectif)

C’est l’un des mes mantras préférés car il résonne particulièrement en moi et je vais vous expliquer pourquoi.  Jeune athlète, j’étais tellement passionné et motivé que j’avais tendance à trop m’entraîner. Je franchissais donc très régulièrement la ligne rouge du  “surmenage”.

En gros, j’étais souvent “cramé” avec pour conséquence de manquer d’énergie sur certaines courses et surtout de tomber assez fréquemment malade, signe que mon système immunitaire était sur le fil du rasoir. Avec le temps, j’ai rencontré des entraîneurs et j’ai surtout appris à pondérer mes ardeurs.

Aujourd’hui, en tant que coach, j’essaye de faire comprendre aux athlètes qu’à l’approche d’un objectif, il vaut mieux s’entraîner un peu moins que un peu trop. En effet, l’entraînement poussé revient à évoluer sur une étroite ligne de crête où chaque effort superflu peut se traduire par une grosse désillusion.

Ainsi, si on est trop généreux dans l’effort dans les 2 à 3 semaines qui précèdent une course importante, on a toute les chances :


– Soit de tomber malade (bronchite, sinusite, otite…)

– Soit de se blesser (tendinite, périostite…)

  • Soit tout simplement de perdre l’état de forme que l’on a mis des mois à construire.

Et c’est du vécu ! Le fondement théorique de ce mantra très personnel tourne autour de la notion d’état inflammatoire. En effet, l’entraînement physique trop intense, en particulier en phase d’affûtage,  génère un stress sur l’organisme. Ce stress induit un état pro-inflammatoire qui affaiblit le système immunitaire et prédispose à la survenue de pathologies diverses qui, pour une bonne partie, ont un nom qui se termine en -ite (et il y en a beaucoup !). Ainsi, à l’approche des courses, ayez la sagesse de lever le pied !

Mantra #4  : « La souffrance est passagère. »

La souffrance fait partie du sport, en particulier en compétition, et encore plus en ultra-distance. Ainsi, le passage par des moments de souffrance est inéluctable. En triathlon, c’est souvent lors de la course à pied que la fatigue et la souffrance sont les plus aiguës.

Les sportifs anglo-saxons appellent cela la “Pain Cave” (ou “grotte de souffrance”). C’est souvent un moment crucial en course car c’est dans ces moments-là que ceux qui sont préparés à souffrir peuvent faire la différence.

Vidéo web

Dans une interview récente assez hallucinante, Courtney Dauwalter, LA championne d’ultra-trail du moment, nous explique qu’il y a quelques années, elle redoutait un peu ce moment où elle entrait dans la pain cave, et qu’une fois dedans, elle essayait juste de survivre. Aujourd’hui, son approche mentale de la souffrance est complètement différente puisqu’elle attend avec impatience le passage par la pain cave ! On l’interpréta comme on voudra, mais une chose est sûre, ce nouvel état d’esprit (le “mindset”) lui permet probablement d’être encore plus performante.

Mais ce mantra rappelle aussi aux sportifs que la souffrance disparaît instantanément au moment où on franchit la ligne d’arrivée d’une course, quelle qu’elle soit. Le plaisir et la satisfaction prenant immédiatement la place de la souffrance… C’est aussi pour cela que l’on fait du sport en compétition !

 
Mantra #5  : « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort. »


Ce mantra relativement connu illustre la philosophie darwiniste. En effet, les espèces vivantes, qu’elles soient animales ou végétales, doivent s’adapter pour survivre. Il en est de même pour le sportif qui doit s’adapter en permanence pour absorber la charge d’entraînement et surmonter les échecs lorsqu’il y en a.

En outre, ce mantra évoque aussi le fait qu’il faut savoir sortir de sa zone de confort pour stimuler son physique et son mental, et ainsi progresser. La diversité des expériences vécues, en particulier les expériences extrêmes et douloureuses, est d’une grande richesse en termes d’apprentissage. Bien entendu, il convient de ne pas franchir la “ligne rouge” sous peine de se blesser.

Mantra #6 :  « Petit à petit, on est moins petit. »

Je tiens ce mantra empli de sagesse de ma grand-mère. Il renvoie aux notions de patience, de travail et de persévérance. Même si on a un niveau modeste (au départ), on peut progresser de manière relativement spectaculaire sur le moyen-long terme grâce à un entraînement régulier.

Pour donner quelques points de repères temporels :

  • 3 mois : une personne qui débute ou reprend le sport a besoin de 3 mois d’entraînement régulier pour ne plus trop souffrir et commencer à prendre du plaisir. C’est une durée incompressible pendant laquelle il faut s’accrocher !
  • 4-5 ans : c’est la durée d’entraînement régulier qui est nécessaire à un sportif amateur pour exploiter ses capacités physiques, techniques et mentales de manière optimale.
  • 10 000 heures : c’est le volume de travail et d’entraînement qu’il est nécessaire d’accomplir pour espérer atteindre le top niveau mondial dans une discipline donnée. Une sacrée tranche de vie !  

Mantra #7  : « Une vie, on en a qu’une. »

Ce mantra est probablement le plus “spirituel” et “mystique” des 7. Effectivement, on oublie souvent que nous ne sommes que de passage sur terre, et que le temps s’écoule inexorablement. Aussi, il convient de ne pas perdre ce temps précieux afin de vivre ses rêves, tout en profitant de chaque instant, agréable comme plus pénible.

Sur un plan plus sportif, ce mantra renvoie à l’idée que parfois, il faut savoir “se lancer dans le vide” en se fixant des objectifs un peu fous. Et si on échoue, ce n’est pas grave, on a toujours la possibilité de recommencer !

Références

The Rich Roll Podcast with Courtney Dauwalter