Par Jean-Baptiste WIROTH

Docteur en Sciences du Sport / Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

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[Article paru dans le magazine 161, mai 2017]

 

La nutrition est au cœur de la performance chez les sportifs, et en particulier chez les triathlètes. Le problème des intolérances alimentaires peut être examiné à 2 niveaux différents : au niveau digestif et au niveau immunitaire…

 

Lors d’une épreuve compétitive, le passage d’une discipline à l’autre engendre de fortes perturbations physiologiques qui diminuent les capacités digestives.

Le reste du temps, les athlètes peuvent être sujet à des intolérances d’ordre immunitaire qui influent négativement sur l’état inflammatoire.

Le futur nous conduira sans doute à définir pour chaque athlète un profil nutritionnel personnel qui permettra d’optimiser la digestion et l’assimilation tout en minimisant l’état inflammatoire.

 

Intolérance digestive

Le premier facteur qui influence la tolérance alimentaire est la capacité à digérer un aliment donné. Or il apparaît que certaines personnes ont des difficultés pour digérer puis pour assimiler certains aliments. Les aliments les moins tolérés sur le plan digestif sont essentiellement d’origine animale : le lait cru, les œufs… etc.

Compte tenu de la redistribution du flux sanguin en faveur des muscles et de la peau (à des fins de thermorégulation), ce phénomène d’intolérance est fortement accentué pendant l’effort, en particulier en compétition. C’est notamment le cas lorsque l’on consomme de trop grandes quantités de compléments énergétiques.

 

Comment éviter les troubles digestifs pendant l’effort ?

Au cours d’une course longue distance, les troubles digestifs sont essentiellement induits par la déshydratation progressive et inéluctable de l’organisme. Au bout de quelques heures, il en résulte un véritable blocage digestif et/ou des diarrhées. Pour prévenir ces phénomènes, il est recommandé de :

  1. s’entraîner à consommer les aliments d’effort à l’entraînement dans la perspective de la compétition
  2. Privilégier les aliments liquides aux aliments solides
  3. Etre très régulier dans les apports (de petites quantités fréquemment)
  4. Ne rien tester de nouveau en compétition sans l’avoir préalablement éprouvé à l’entraînement ou sur une compétition secondaire !

 

Intolérance alimentaire

Le second niveau d’intolérance alimentaire est plus complexe puisqu’il est relatif au système immunitaire. L’intolérance alimentaire fait son lit avec le temps, et n’influe pas directement sur la performance comme une intolérance digestive. Ce type d’intolérance est qualifié « d’allergie à bas bruit », car elle ne s’accompagne pas de manifestations spectaculaires.

Chez les sportifs, les intolérances alimentaires sont source de fatigue supplémentaire car le système immunitaire se voit être activé en permanence pour éliminer les aliments indésirables. Il en résulte un état inflammatoire chronique qui engendre des difficultés à récupérer, des pathologies récurrentes (tendinites) et des difficultés pour s’entraîner efficacement.

Ce type d’intolérance est beaucoup plus complexe à identifier que les intolérances digestives. Pour cerner de tels phénomènes, il est nécessaire de procéder à des analyses sanguines dont l’objectif est de quantifier pour chaque type d’aliment les substances témoignant des intolérances (taux d’immunoglobulines G). Le test Imupro permet ce type de dépistage.

En termes de mécanisme, les intolérances alimentaires sont induites par le passage dans le sang de nutriments indésirables (le plus souvent des protéines) du fait d’une porosité intestinale trop importante. Une fois ces substances indésirables passées dans le sang, l’organisme doit mettre en place des mécanismes de défense immunitaire pour les éliminer. Cette activation immunitaire quasi-chronique perturbe le fonctionnement de l’organisme tout en créant de l’inflammation (source de fatigue).

Il apparaît de plus en plus clairement que la santé peut potentiellement être influencée de manière significative par ce type d’intolérance, se traduisant par des troubles ORL (rhino-pharyngite, sinusite, asthme…), gastro-intestinaux (ballonnement, diarrhée, nausée…), dermatologique (eczéma, urticaire, démangeaison, acné…) ou encore musculo-articulaires (crampe, douleurs…).

 

Sur le plan de la performance, certaines études récentes menées chez des cyclistes professionnels montre que nombre d’entres eux sont en état d’inflammation prononcée « quasi-chronique ». Le stress inhérent à la compétition de haut-niveau, la forte charge d’entraînement, l’inadéquation des apports nutritionnels sont des facteurs qui prédisposent à cet état inflammatoire. Celui-ci est contre-productif en termes de performance durable, notamment en réduisant la vitesse de récupération et en augmentant le risque de survenue de pathologies inflammatoires (tendinites…).

 

 

Comment prévenir les intolérances alimentaires ?

Pour les athlètes, la base de la prévention tient en deux mots : DIVERSITE et QUALITE. Pour limiter  l’exposition à des substances potentiellement mal tolérées, il convient donc de varier au maximum ses apports nutritionnels en adoptant un principe de rotation sur 4 jours. Pour faire simple, ne jamais manger le même aliment lors de 2 repas consécutifs.

 

Comment traiter les intolérances alimentaires ?

L’une des solutions consiste à effectuer un bilan sanguin « immuno-nutritionnel » pour déterminer le profil nutritionnel personnalisé. Celui-ci pourra conduire à éliminer (au moins temporairement) de son alimentation les nutriments source d’inflammation.
Le lait de vache, les œufs, et le gluten sont les principales sources d’intolérance alimentaire marquées mais il en existe potentiellement beaucoup d’autres.

Le test peut-être effectué sur le site www.imupro.fr (non remboursé).

 

En parallèle, il ne faut pas hésiter à couvrir ses besoins en acides gras oméga-3, en vitamine C et en magnésium pour optimiser le fonctionnement intestinal et limiter l’ampleur des phénomènes inflammatoires. Certaines plantes (resveratrol, maqui, huile de perilla) pourraient avoir des propriétés anti-inflammatoires particulièrement intéressantes.

 

Une cure de probiotiques permettra en outre de renforcer la flore intestinale et d’optimiser le fonctionnement du tube digestif.

Pour terminer, la glutamine peut aider les plus fragiles à éviter les infections en phase de charge d’entraînement intense comme l’a montré Song très récemment.

 

 

L’expert vous répond

«Au printemps, j’ai toujours des allergies. La nutrition est-elle impliquée dans ce phénomène ?»

 

Pas directement, mais les phénomènes d’allergies et d’intolérances alimentaires peuvent s’additionner.

L’allergie constitue un mécanisme de défense de l’organisme vis-à-vis d’une substance. Des réactions intenses, telles que des gonflements des lèvres, un rétrécissement de la gorge, une éruption cutanée, des crises d’éternuement, et une sensation de suffocation, qui se manifestent rapidement sont des signes typiques d’une allergie. Les réactions surviennent de façon générale dans un laps de temps relativement court après l’absorption de la substance en question (pollen, aliment… etc).
L‘intolérance alimentaire est tout à fait différente des allergies classiques. L’intolérance est caractérisée par la présence dans le sang d’IgG. Elle induit une activation du système immunitaire et des changements métaboliques. Elle est très fréquente, et se développe au fur et à mesure de la vie d’un individu et souvent de façon spontanée. Dès la naissance, le nourrisson peut déjà être sensibilisé vis-à-vis de différents aliments par l’intermédiaire du lait maternel. Le plus compliqué est que les symptômes d’une intolérance alimentaire sont, contrairement à l’allergie, extrêmement variés. Ils peuvent même ressembler à ceux d’une allergie et se manifestent souvent longtemps après l’ingestion des aliments incriminés.

Il donc probable que des intolérances alimentaires accentuent votre problématique d’allergie au pollen.

 

 

Bibliographie

Speciani AF, Piuri G. Measuring Biomarkers for an Innovative Personal Food Profile. J Am Coll Nutr. 2015;34 Suppl 1:34-8.

Song QH et al. Glutamine supplementation and immune function during heavy load training. Int J Clin Pharmacol Ther. 2015 May;53(5):372-6