Article paru dans le magazine 223 _décembre 2022 – janvier 2023 / Rédigé par Simon Billeau
Le premier championnat du monde à Kona, Hawaï, s’est déroulé en 1981 (quand bien même une édition inaugurale s’est tenue en 1978). Le vainqueur de l’époque, un américain du nom de Chris Howard, a franchi la ligne d’arrivée en 9h38’29”. D’année en année, le record s’est amélioré et s’est rapproché des 8 heures. Cependant, on pensait que le sub8 à Kona serait difficile à battre. Or, Patrick Lange en 2018 pour son second titre mondial a terminé l’épreuve en 7h52. Bien que l’entraînement et la nutrition aient évolué au cours des 40 dernières années, ce sont les nouveaux outils technologiques qui ont notamment permis cette année à 10 athlètes de casser la barre des 8h… Passage en revue des nouveautés et autres produits techniques que nous avons pu voir à Kona 2022.
Commençons par la natation. L’immense majorité des triathlètes professionnels utilisent une “swimsuit”, tenue de natation qu’ils portent par-dessus leur trifonction. Selon les modèles, il semblerait que l’effet hydrophobe et surtout le gainage procuré permettent une glisse améliorée. Les résultats observés font état de gain de l’ordre de 2 secondes par 100 m, comparé à un maillot de bain basique, soit environ 1’20’’ économisée pour les 3,8 km, et surtout de l’énergie !
Une marque connue surtout dans le cyclisme, mais qui s’investit dans le triathlon, a d’ailleurs lancé sa première swimsuit à Kona. Cameron Wurf, le cycliste pro de chez Ineos, portrait d’ailleurs cette tenue et cela lui a sûrement été bénéfique car il est sorti a seulement 4’30’’ de Sam Laidlow, qui s’est employé pour sortir de l’eau en 1er, alors que le cycliste ne fait que rouler la plupart du temps.
Passons au cyclisme justement. C’est surement la ou les évolutions majeures ont lieu, surtout que l’Ironman n’a pas à se conformer aux règles de l’UCI. La marque Hed s’est mise en lumière avec le lancement de leur roue arrière de 180 mm de hauteur, la Hed Jet 180. Léon Chevalier était l’un des heureux utilisateurs, tout comme Sam Laidlow, auteur du record vélo de l’épreuve… Ce n’est cependant pas la roue la plus haute qui fut utilisée et commercialisée. Il y a une décennie, la marque Blackwell avait justement une roue arrière de 200 mm de profondeur (!) pour les épreuves où la roue lenticulaire est justement interdite.
Le poste de pilotage reçoit aussi légitimement beaucoup d’attention avec une multitude de marques qui proposent des repose-coudes prolongés afin d’augmenter la surface de contact entre les avants-bras et les dits repose-coudes, cela afin d’optimiser la stabilité et d’améliorer l’aérodynamisme. Daniela Ryf a d’ailleurs des reposes-bras moulés à sa morphologie et scientifiquement optimisés par Swiss Side.
Toujours dans un but d’amélioration des performances en cyclisme, Gustav Iden a utilisé un carénage au niveau du torse afin de contrôler le flux d’air et le séparer avant qu’il ne rencontre les hanches, seconde ceinture après les épaules la plus délétère pour la résistance à l’avancement.
On sait aussi que la peau de l’être humain est plus lente que la plupart des textiles utilisés aujourd’hui dans l’industrie textile en triathlon. Mais les turbulateurs ont maintenant fait leur apparition non seulement sur les épaules des trifonctions mais aussi sur les manchons de compression. La marque française Compressport, emmenée par son ambassadeur et recordman des 180 km à vélo de Kona via Sam Laidlow, utilise des turbulateurs sur ses fameuses Full Socks Race Oxygen.
Les systèmes de galets de dérailleur surdimensionnés comme ceux de la marque danoise Ceramicspeed permettent d’économiser quelques watts dans la résistance de frottements. La nouveauté pour 2022 était la personnalisation de la chape aux couleurs des pays nationaux pour Magnus Ditlev ou aux slogans motivants pour Lucy Charles Barclay.
Cf photos « Ceramic 1 » et « Ceramic 2 »
Le mono-plateau n’est toujours pas leader du marché, notamment à Kona quand bien même la technologie s’est améliorée avec des dents larges et étroites pour retenir la chaîne. Néanmoins, le plus gros rouleur du circuit, en la personne de Magnus Ditlev, utilise un plateau en carbone de la marque taïwanaise Digirit que l’on vous a déjà fait découvrir dans les colonnes de Trimax il y a de cela une demi-décennie. Notez que Magnus utilise un mono-plateau de 60 dents et qu’il monte Hawi donc sur ce développement couplé à une cassette 11-30 en 11 vitesses Ultegra… Cela correspond à un développement de 42-21.
Enfin, la course à pied a vu également son niveau s’améliorer drastiquement depuis la dernière édition pré-covid. Ironman n’étant pas tenu de respecter les règles de World Athletics, les fabricants de chaussures s’en donnent à cœur joie. L’épaisseur des semelles est donc plus élevée et le nombre de plaque carbone n’est pas limité. Cette année, le Norvégien Gustav Iden a survolé le marathon en 2h36 avec ses On Running Cloudboom Echo 3. D’après les résultats observés par On, ces chaussures permettent d’allonger la foulée de 6 cm. C’est une chaussure usinée pour l’emmagasinage et la restitution d’énergie est incontestable.
En termes de thermorégulation, les fabricants de trifonction innovent avec des tissus toujours plus légers et respirants. Mais le gadget qui fait la différence en augmentant la surface corporelle au contact de l’air est le bandeau Omius. Il est porté par de plus en plus d’athlètes avec un succès garanti.
Viennent ensuite, parmi toutes les marques qui gravitent autour de la nutrition, l’analyse des pertes hydriques ainsi que les capteurs physiologiques. En nutrition, les deux grandes marques qui se détachent sont de loin Maurten et Précision Hydration. Maurten est surtout connue pour les propriétés innovantes de son hydrogel qui n’est pas détecté par l’estomac et permet donc l’assimilation de plus de glucides par heure. Pour ce qui est de Precision Hydration, leur produits semblent être de grande qualité, mais leur différence vient dans l’analyse apportée par l’équipe de scientifiques estimant les pertes hydriques et les sels minéraux via des outils développés en interne.
Enfin, sur le village Ironman à Kona, 3 marques partageaient leur espace: Vo2 Master, Body Core Temp et Moxy. Ces 3 marques sont toutes en étroite collaboration avec le TGV norvegien avec en tête leur entraîneur Olav Bu. Ces différents capteurs permettent d’obtenir des résultats communément obtenus dans les laboratoires mais sur votre lieu d’entrainement soit indoor ou outdoor. Le Vo2 Master permet d’évaluer la consommation d’oxygène. Le capteur Body Core Temp permet quant à lui d’estimer la température corporelle interne. Enfin, le capteur Moxy se différencie du Vo2 Master en analysant la saturation d’oxygène dans les muscles.
Enfin, le Body Rocket est une marque qui a fait ses débuts en s’octroyant les services de Kristian Blummenfelt. Il s’agit de capteurs aérodynamiques (3 capteurs aux 3 points de contact, la selle, le guidon et les pédales) qui semblent permettre d’éliminer le drag (traînée) du vélo et donc de se focaliser sur le drag créé uniquement par le triathlète. Leur intention est de tester en milieu extérieur avec des résultats aussi fiables qu’en soufflerie. Ceci dit, à ce jour, ce partenariat semble autant commercial que le home-trainer intelligent Dare2Ride Fuego 1.0 (lire notre article dans le magazine n°222).