Article paru dans le magazine 212 _décembre 2021 – janvier 2022 / Rédigé par Geoffrey MEMAIN Préparateur physique – Réathlétiseur
Le Swimrun est une discipline d’endurance de pleine nature nécessitant des qualités énergétiques et musculaires importantes. Ces sportifs s’appliquent des charges d’entraînement conséquentes, à la fois en intensité et en volume. Le renforcement musculaire (membres supérieurs, membres inférieurs ou encore le tronc), le développement énergétique, les gammes techniques de nage et de course, ou encore la tactique spécifique swimrun sont les axes principaux d’entraînement des pratiquants, menant parfois à des stagnations de niveau lorsque la pratique dure depuis plusieurs années avec la même méthodologie. Le travail de respiration est quant à lui rarement intégré au processus d’entraînement des sportifs d’endurance et pourrait permettre de continuer de progresser en swimrun. De plus en plus de sportifs élites utilisent l’entraînement respiratoire, à l’instar de la triathlète suisse Nicola Spirig, 40 ans, qui l’évoque de la manière suivante : « Il est décisif d’utiliser tout son potentiel de performance. Avec l’entraînement respiratoire, j’ai trouvé un moyen d’améliorer encore mes résultats ! » Nous allons donc présenter et aborder ici la notion de respiration, ses effets sur la pratique et l’intérêt pour le swimrunner.
LA RESPIRATION
Il s’agit d’un mécanisme automatique de l’organisme qui varie au cours de la journée selon nos besoins. Le principe repose sur une alternance d’inspiration (par la bouche et/ou le nez de l’air mené aux bronches, puis aux alvéoles pulmonaires et enfin aux globules rouges sanguins) et d’expiration (de gaz tels que le CO2, l’azote ou encore l’oxygène non utilisé). L’oxygène mené aux composants sanguins est transporté jusqu’aux muscles pour assurer leur fonctionnement par l’intermédiaire de la circulation sanguine qui assure aussi l’approvisionnement en nutriments. À chaque transition entre inspiration et expiration, une très courte période d’apnée physiologique automatique est réalisée. Elle peut, comme l’ensemble des étapes de la respiration, être modifiée de manière consciente et volontaire.
Lors de l’effort, la fréquence et l’amplitude respiratoire augmentent afin d’assumer la hausse des besoins de l’organisme et plus particulièrement des muscles. À l’exercice, le diaphragme s’abaisse, les côtes montent et s’écartent pour augmenter le volume de la cage thoracique.
STRUCTURES IMPLIQUÉES DANS LA RESPIRATION
Lors de la respiration, de nombreux muscles sont mis en jeu, mais ils sont moins volumineux et connus que nos traditionnels quadriceps, grands fessiers, gastrocnémiens, ischios jambiers, pectoraux ou encore deltoïdes. En effet, à l’exception du diaphragme qui recouvre une surface importante, les muscles engagés dans la respiration sont des muscles profonds essentiels à la stabilisation de notre corps et à son fonctionnement.
Le diaphragme
C’est le capitaine de l’inspiration. Il s’étend du sternum, aux arcs costaux des six dernières côtes, en passant par les corps vertébraux supérieurs et les deuxième et troisième vertèbres lombaires. Il se présente sous forme de coupole de fibres musculaires et de tissu conjonctif permettant de créer du volume “libre” pour les poumons, puis de leur appliquer une compression pour les aider à se vider sous l’effet de l’élasticité pulmonaire. En son milieu, une partie appelée “centre phrénique” voit passer en son sein l’artère aorte, l’œsophage, la veine cave ou encore les nerfs vagues. Le diaphragme détient une position qui le met en contact avec les composants de l’abdomen (viscères, foie, rein, pancréas, estomac…) ; on imagine bien le lien étroit présent entre le diaphragme, la respiration et la digestion par exemple. Étant un muscle profond et peu innervé, sa contraction n’est pas facilement ressentie et réalisable.
Les inspirateurs costaux
Les pectoraux, les dentelés, les spinaux, les intercostaux ou encore les scalènes vont avoir une action de traction des côtes en différents points permettant “l’expansion” du volume de la cage thoracique. Les muscles de l’abdomen (transverse, grand droit, obliques), du plancher pelvien, le carré des lombes et les intercostaux vont avoir un rôle d’expirateurs. Le transverse est couramment le muscle expirateur le plus “ciblé” dans le travail de respiration. C’est très important et positif, mais il encore plus pertinent de le coupler avec l’engagement des muscles du périnée et des intercostaux afin d’obtenir une action synergique de l’ensemble de ces muscles profonds à l’expiration.
INTÉRÊTS DU DEVELOPPEMENT DE LA RESPIRATION
L’entraînement respiratoire impacte positivement la capacité d’endurance des muscles mis en jeu dans ce processus. Cela permet de limiter leur fatigue, de maintenir l’efficience respiratoire et donc de conserver le niveau d’apport en oxygène primordial à l’effort. L’évacuation du CO2 issu de l’activité est aussi très importante. Lorsque l’on s’intéresse à l’étude de l’entraînement respiratoire, les effets évoqués sont : l’augmentation de l’endurance et des intensités maximales aérobies, une amélioration des temps de récupération, un recul du délai d’apparition de la fatigue musculaire des muscles respiratoires, une meilleure coordination des cycles respiratoires et enfin un développement des qualités de stabilité du tronc. Bien sûr, l’impact sur les sportifs élites sera moindre que pour le sportif amateur, du fait des sollicitations déjà très importantes du système musculaire respiratoire à haut niveau.
TECHNIQUES DE RESPIRATION
De nombreuses techniques de respiration existent et leurs usages diffèrent selon la discipline et les objectifs recherchés. Le travail respiratoire ne sera pas le même pour du yoga, du pilates, de l’haltérophilie, de l’apnée ou du swimrun. La pratique se distinguera par la réalisation d’une respiration plutôt axée sur la sollicitation des côtes ou du caisson abdominal, par la spontanéité ou le contrôle poussé, ou encore par l’utilisation de différents tempos d’inspiration-expiration-apnée.
Les deux types de respiration de base sont :
- La respiration abdominale ou diaphragmatique qui correspond à une expansion du sternum et un travail accru de l’abdomen. Elle est efficace pour une ventilation maximale, favorise le relâchement et la mobilisation des viscères… Toutefois, elle ne sollicite que peu la partie haute des poumons et la cage thoracique.
- La respiration thoracique ou paradoxale est représentée par une ouverture costale conséquente permettant un développement de force des inspirateurs costaux, et donc de la tonification de la colonne vertébrale. Mais une respiration exclusivement thoracique peut mener à une rigidification de la région du thorax et une contrainte excessivement appliquée aux viscères par limitation de leur mobilité.
Quel que soit le mode utilisé, il est possible et important de respirer par le nez et par la bouche de manière variée selon le contexte. En effet, la respiration nasale permet un réchauffement, une humidification et un “filtrage” de l’air alors que la respiration buccale réduit les résistances et la distance de son déplacement dans le système respiratoire. Cela permet d’augmenter la quantité d’air mise en jeu. Il est donc nécessaire de varier le type de technique pour répondre aux différents contextes d’activité.
APPLICATION POUR LE SWIMRUNNER
En swimrun, l’intérêt de développer ses capacités respiratoires réside dans l’amélioration de la performance aérobie, le retardement de l’apparition de la fatigue et l’optimisation de l’efficience de la respiration en nage. Sur les épreuves de longue distance, il est courant de ressentir une fatigue accrue au niveau des muscles respiratoires du fait d’un besoin d’oxygène conséquent lors des séquences de course, d’une respiration réflexe brève et intense en nage, et d’une résistance à la mobilité abdominale et thoracique provoqué par le port de la combinaison. Et ce sur une longue durée. Le froid peut s’ajouter à ces trois paramètres, engendrant des contraintes importantes sur l’appareil respiratoire par vasoconstriction du système sanguin et “enraidissement” des muscles. L’entraînement respiratoire semble donc un axe pertinent de développement pour le swimrunner.
Pour cela, quatre axes de travail se présentent au pratiquant : l’apprentissage et la répétition “technique” de la respiration à sec, la mobilité articulaire thoraco-costale, la souplesse des muscles mis en jeu et le renforcement musculaire respiratoire dissocié et intégré aux séances swimrun.
L’apprentissage
et la répétition « technique » de la respiration
Il consiste à acquérir les prérequis permettant de
maîtriser les diverses méthodes de respiration. Comme pour toute habileté
technique, la gestuelle est décomposée, réalisée au ralenti, puis répétée et
couplée avec les autres phases de la respiration. À ce moment, il est possible
de répéter le cycle global et de travailler sur des variantes de tempo et
d’intensité d’expiration, d’inspiration ou d’apnée et ce en adoptant des
postures de plus en plus spécifiques au swimrun (foulée debout ou décubitus
ventral avec sollicitations des membres).
Le travail de
mobilité articulaire
Il se présente sous la forme d’exercices posturaux
cherchant à augmenter les degrés de liberté de l’articulation ciblée, afin de
permettre une amplitude gestuelle supérieure. Ici, les zones sollicitées sont
l’ensemble des petites articulations costales et thoraciques nécessitant un
travail de mobilité précis, car les structures anatomiques qui les composent
sont petites, profondes, avec une tendance à “l’enraidissement” car rarement
sollicitées par le pratiquant pour d’autres tâches que la respiration. Le
bassin et les hanches pourront être intégrés à ce travail.
La souplesse
Elledoit être
développée pour l’ensemble des muscles respiratoires (présentés ci-dessus) à
partir de séquences dédiées aux exercices d’étirement. L’objectif étant de
donner plus de ”longueur” à ces muscles pour faciliter l’amplitude gestuelle.
Et surtout limiter leur “enraidissement”.
Le
renforcement musculaire respiratoire
Il nécessite la présence d’une résistance à l’inspiration
et/ou à l’expiration afin d’augmenter le niveau de contrainte appliqué aux
muscles respiratoires, dans le but de les développer. Il s’agit d’exercices de
musculation spécifiques. Pour cela, il est intéressant d’effectuer des
exercices avec des systèmes de vannes à résistances réglables (Airofit,
Powerbreathe, Ultrabreathe…), des training masks ou encore des pailles de
différents formats. Il est possible aussi de s’entraîner simplement en
réduisant l’ouverture de la bouche ou en se pinçant une narine pour
l’inspiration à forte intensité et en expirant de manière complète et très
intense pour repousser des balles, gonfler un ballon, soulever une feuille, ou
encore faire un maximum de remous dans l’eau…
Comme pour tout type d’entraînement, il faut respecter une progressivité dans l’intensité, le volume et la complexité des exercices réalisés afin de laisser le temps aux muscles respiratoires de s’adapter et d’évoluer positivement. Il est à noter qu’il est primordial de coupler le renforcement musculaire respiratoire avec la mobilité et les étirements, afin d’optimiser les effets des séances et de limiter “l’enraidissement” des structures post-sollicitation. Ces exercices pourront être réalisés en dehors des séances swimrun. On parle de travail dissocié. Si on réalise sa séance swimrun avec un outil type training mask, on parle alors de travail intégré.
Il serait pertinent d’intégrer à l’échauffement de toute séance de nage, de course ou de swimrun, une courte routine (5 minutes) de renforcement-mobilité respiratoire et de conclure les entraînements par un cool-down de 5 minutes sur la technique de respiration et l’étirement des muscles principaux de la respiration.
À l’instar des qualités de gainage (core-training), de proprioception et de force, la respiration est un paramètre important pour la santé, le bien-être, la pratique et la performance sportive. Elle doit être abordée de manière ciblée sur des séances “spécifiques dissociées” (même très courtes 15-20 minutes) permettant d’apporter les prérequis nécessaires pour répondre au mieux aux contraintes du swimrun. Une respiration saccadée et inefficace va impacter l’organisme en réduisant les échanges gazeux possibles, en limitant les mobilités viscérales, thoraciques et costales, ou encore en réduisant les apports d’oxygène. Cela va influer sur les états physiologiques et psychologiques de l’individu. Plus le swimrunner sera dans une situation de fatigue, plus le système respiratoire devra conserver son niveau d’apport en oxygène sous peine de limiter grandement les capacités à maintenir l’effort.
Pour l’ensemble des axes de développement des qualités respiratoires (apprentissage technique, mobilité, souplesse et renforcement), les techniques utilisées en apnée, en yoga, en pilates, en méditation ou dans d’autres gyms douces vous seront extrêmement utiles. Il semble donc intéressant pour le swimrunner de consacrer une légère partie de son temps d’entraînement pour le travail respiratoire afin d’améliorer ses capacités de pratique et son bien-être.