PAR GEOFFREY MEMAIN PRÉPARATEUR PHYSIQUE – RÉATHLÉTISEUR
Le swimrun est une discipline d’endurance composée de nombreux paramètres, dont certains ne sont pas contrôlables par le pratiquant (conditions naturelles). Pour profiter au mieux de la compétition choisie, il est important de réaliser une réflexion sur ce swimrun et sur son profil de swimrunner afin de suivre un entraînement le plus adapté et pertinent possible.
Il est ici question d’évoquer les différentes étapes de cette réflexion de manière générale.
Analyse du swimrun
Le profil d’un swimrun dépend de différents facteurs :
- La distance totale, le nombre d’enchaînements et la longueur des sessions de swim et de run sont des informations qui déterminent la nature de l’épreuve (courte ou longue distance), les intensités d’effort et les stratégies nutritionnelles et matérielles.
- Le pourcentage relatif de nage et de course va définir en partie le profil « nageur » (>25%) ou « coureur » (>80%) de l’épreuve.
- Dénivelé (dont pourcentages de pentes), technicité du parcours, type d’eau libre, revêtement et cut-off
- Les caractéristiques des plans d’eau: type de plan d’eau (mer, lac, rivière), dynamique de l’eau (courant, vague), conditions extérieures (température de l’air, hygrométrie et vent) et température de l’eau. Plus les conditions sont difficiles plus les bons nageurs sont favorisés.
=> L’ensemble de ces caractéristiques sont à prendre en compte dans la gestion de la course (cut-off, nutrition, matériel, allure) et dans l’entraînement préparatoire à cette épreuve.
D’autres points comme le nombre de ravitaillements (emplacement et composition), le contexte de la compétition (date et lieu) ou encore la concurrence sont à prendre en compte. Ces paramètres vont influencer la préparation à mettre en place.
Quelles qualités pour ce swimrun ?
A partir de cette précédente analyse, le swimrunner va collecter des informations sur les qualités à détenir pour « réussir » son swimrun.
A savoir, si l’entraînement va être axé sur un travail de seuil si les sessions
de swim et de run sont longues ou plutôt de la VMA sous maximale d’intervalle long si le parcours est ponctué d’une succession de petites sessions (<5 minutes). Le climat est un point important à prendre en compte dans les séances afin d’être préparé au mieux possible à l’ambiance de l’effort (froid, chaud, humide, en altitude …). Il faut donc savoir le niveau de nécessité de la résistance au froid, à la chaleur, aux mauvais temps ou à l’altitude ? Etre adroit sur les passages techniques à pied et pertinent sur la lecture du plan d’eau technique est une donnée importante du swimrun.
Selon le parcours, le travail sera orienté course ou plutôt nage.
Analyse personnelle : qualités, profil, possibilités d’entraînement et objectif.
Spécialité et qualité :
L’intention est de faire l’état des lieux précis et réaliste de son niveau athlétique et de son expérience sportive. Pour cela, il faut s’appuyer sur ses résultats et ses acquis passés, ainsi que sur son potentiel de progression. Des tests de terrain ou en laboratoire peuvent épauler le sportif afin de fournir des données objectives supplémentaires. Le questionnement débute sur sa spécialité. Suis-je un bon nageur, un bon coureur, ou plutôt les deux ? longue distance (LD) ou courte distance (CD) ?
Au niveau énergétique, quelles sont mes valeurs de VMA, de second seuil (SL2), de capacité aérobie et ma capacité à maintenir ces niveaux d’intensité pour se fixer des objectifs réalistes (classement, réalisation ou chronomètre et adapter son entraînement, Quels sont aussi mes capacités à m’alimenter pendant l’effort et à résister au froid ?
D’un point de vu musculaire, suis je endurant en terme de force (la capacité à répéter des contractions musculaires sous-maximales un maximum de fois) ou puissant ? Quel est mon niveau technique ? Cela détermine notamment la capacité du swimrunner à utiliser du matériel spécifique (plaquettes, pull-buoy). Sur le domaine psychologique, il faut se questionner sur son aptitude à gérer le stress et les imprévus, à résister mentalement au froid et à la douleur (liée à l’effort), à communiquer et trouver les leviers d’optimisation de son binôme, à rester lucide à tout moment de l’épreuve et à utiliser ses expériences passées pour s’adapter aux contraintes de course.
Profil de son partenaire :
Le principe est le même que pour l’analyse de son propre profil, il faut alors étudier le niveau de compatibilité entre son partenaire et soi-même. L’objectif est bien l’homogénéité et l’efficience. Un point déterminant de la qualité du binôme est la compatibilité psychologique, c’est-à-dire la capacité du duo à se soutenir et à rester soudé quelque soit le déroulement de la course.
Possibilités d’entraînement et type de travail :
L’analyse de son profil passe aussi par la détermination du type d’entraînement qui nous correspond le mieux (courte ou longue distance, natation ou course à pied …) et des possibilités individuelles d’entraînement (logistique, lieu de vie permettant d’avoir des conditions d’entraînement type swimrun toute la saison ou non, organisation, temps libre, vie personnelle et professionnelle, capacité à emmagasiner les charges d’entraînement à la fois physiologiquement et psychologiquement …).
Quels objectifs pour cette compétition ?
La fixation d’objectif peut être de deux types :
- Qualitatif : il s’agit de la recherche des moyens et du cheminement pour arriver au résultat, de la manière dont la course s’est déroulée et des sensations issues de la pratique (plaisir, partage avec son partenaire, finesse technique).
- Quantitatif : il s’agit d’un objectif quantifiable comme finir une course, réaliser un temps donné ou encore une place au classement. Il est nécessaire de se fixer plusieurs objectifs lors d’une course afin de conserver un but de réserve en cas d’échec de l’objectif principal.
Cela permet de ne rien lâcher mentalement malgré les difficultés.
Entraînement spécifique
En fonction de sa fixation d’objectifs, un entraînement adapté à son niveau, à ses besoins et ses possibilités, doit être mis en place. Il s’agit d’un processus réfléchi. Il faut créer des cycles de travail avec des thèmes spécifiques pour développer certaines qualités athlétiques, mentales, techniques ou encore tactiques. La date de la compétition va déterminer la période et les conditions possibles d’entraînement et donc le rétro planning vous permettant de construire votre processus d’entraînement.
Fixer les axes de travail
Les axes de travail sont établis en fonction des objectifs pour l’épreuve et de ses caractéristiques personnelles (niveau et possibilités).
Ils sont issus de divers domaines (physique, psychologique, tactique, technique).
Physique & physiologique :
La logique est de développer un socle de base conséquent (capacité aérobie = quantité totale d’énergie pouvant être produite / VO2max le plus élevée possible = quantité maximale d’oxygène « traitée » par l’organisme / second seuil = intensité de passage au déséquilibre homéostasique / l’endurance de force = capacité à répéter un très grand nombre de contractions musculaires d’intensité sous-maximales) afin de s’entraîner ensuite sur les intensités spécifiques de course. Il est donc nécessaire de construire des cycles d’entraînement (3-4 semaines) basés sur une qualité ciblée en priorité (sans oublier de solliciter les autres qualités sur certaines séances) puis sur une autre … avant de réaliser des cycles de travail à intensité spécifique compétition swimrun.
Le multi enchaînement consiste à passer plusieurs fois de la nage à la course et inversement. Ce concept engendre de nombreux phénomènes physiologiques au niveau respiratoire, circulatoire, équilibrateur, locomoteur, énergétique ou encore hydrique indispensable à l’entraînement swimrun.
Psychologique :
De nombreux paramètres psychologiques (confiance en soi et en son partenaire, gestion du stress et des momentums psychologiques positifs et négatifs, focalisation, défocalisation et mindfulness) impactent la performance. Ils sont plus « aisément » introductible et travaillable de manière couplée avec une séance d’entraînement à but physique.
Tactique :
Après avoir établi ses objectifs, il faut déterminer ses stratégies et les entraîner fréquemment:
- Connaissance du parcours : Il est intéressant de récolter des informations sur les conditions de course (courant, vent, revêtement, longueur réelle des portions de nage et de course …) afin de « calquer» son entraînement sur les spécificités du swimrun réalisé.
- Allure : il est nécessaire de connaître les intensités d’effort que l’on peut tenir en fonction des distances rencontrées.
- Nutritionnelle : Comment je me ravitaille (quand ? quoi ? Quelle quantité ?) Cela se réfléchit et se prépare selon les conditions de course (climat, parcours), s’adapte au cours de l’épreuve (chaleur, froid, baisse de forme, temps plus long, courant …) et surtouts’entraîne.
- Matérielle : le choix du matériel est primordial en swimrun. Il doit être adapté au profil de la course et aux capacités du swimrunner. Il faut impérativement s’habituer à pratiquer à l’entraînement avec le même matériel qu’en compétition.
- Coopération : il faut apprendre à gérer les situations imprévues à deux car c’est dans ce type de moment que les problèmes de cohésion apparaissent.
Technique :
A l’instar de la tactique, l’aspect technique est primordial. En effet, les techniques de nage et de course en swimrun ne sont pas tout à fait
les mêmes qu’en natation et course à pied « pures ». En effet, le multienchaînement et l’usage du matériel spécifique (combinaison, paddles, cordes, pull-buoy, chaussures …) engendrent des modifications concernant la locomotion. Ces changements peuvent être compensés par un travail spécifique optimisant le coût énergétique et l’efficience motrice.
La lecture du plan d’eau avant de débuter la nage, puis la prise d’information (navigation) lors de la nage, et la transition entre les sessions de swim et de run sont tout autant entraînables et spécifiques pour se mouvoir manière efficace, sans détour et sans effort supplémentaire.
=> L’ensemble de ces paramètres doivent être travaillés et réfléchis au même titre que la VMA ou que le coût énergétique. Des séances seront rarement dédiées exclusivement à un des concepts évoqués car il est pertinent d’associer plusieurs thèmes de travail au sein d’un même entraînement.
Association des qualités au sein d’une séance
De nombreuses associations pertinentes de thème d’entraînement sont imaginables. Le principe est de coupler un travail physique avec une qualité mentale, une technique et une tactique. Si le thème d’entraînement est le second seuil sous la forme d’un multi enchaînement (3*(1000m CàP intensité SL2 + 400m nage intensité course CD + 1000m CàP intensité SL2, Récupération=5’ à 50% VMA)), le swimrunner va pouvoir développer sa capacité de défocalisation à la douleur en se consacrant à la qualité de sa gestuelle et à la fluidité de sa transition. L’ensemble des quatre domaines est sollicité : second seuil, défocalisation, transition, multi enchaînement et technique gestuelle.
On peut imaginer une longue sortie spécifique swimrun dont le but est le travail de la capacité aérobie, servir pour essayer les stratégies matérielles et nutritionnelles, mais aussi pour stimuler l’endurance psychologique à l’effort et la communication du binôme. On peut pousser ces relations en dissociant l’aspect énergétique et musculaire; l’usage des paddles de nage développe l’endurance de force des membres supérieurs lors de la nage.
Le couplage de facteurs liés à divers domaines au cours d’une séance est primordial dans la pertinence de l’entraînement.
Ex : un swimrunner effectue une séance à intensité seuil (allure proche swimrun courte distance) le long d’une côte avec du courant et une température d’eau froide. En plus du thème de développement du seuil, l’athlète va travailler des aptitudes annexes essentielles en swimrun : la thermorégulation, la gestion du froid et du stress lié aux conditions extérieures non maitrisables, la lecture du plan d’eau, l’utilisation du matériel spécifique, le multienchaînement, la défocalisation à la douleur (en se concentrant sur la qualité de sa gestuelle) et à la fluidité de sa transition Gestion de la charge d’entraînement Il s’agit de la charge globale de travail effectuée par le swimrunner, composée de la charge interne (ce qui est ressentie par l’organisme) et de la charge externe (ce que l’on applique à l’organisme). Pour effectuer un suivi, un tableur informatique simple peut être utilisé en répertoriant les caractéristiques de ses séances (durée, distance, intensité, contenu, récupération) et en utilisant une méthode de calcul de la charge prenant en compte la durée et la difficulté de la séance.
De nombreuses applications spécialisées se développent dans les sports d’endurance et seront d’une aide précieuse dans l’adaptation de l’entraînement à l’état de forme et de fatigue du swimrunner. Un entraînement qui ne prend pas en compte la fluctuation de ces états sera un entraînement non optimal et pouvant provoquer l’apparition de blessure ou d’un syndrome de surentraînement.
Conclusion
La construction d’un entraînement spécifique à la compétition visée est un processus nécessitant une réflexion approfondie pour être au plus proche de ses besoins et des demandes de ce swimrun.
L’aptitude athlétique est le domaine d’entraînement le plus mis en avant, de par l’aspect visuel de l’effort. Pour beaucoup les disciplines d’endurance ne se résument qu’aux qualités physiologiques, mais derrière ces notions, de nombreux paramètres annexes (psychologiques, techniques et tactiques) sont à développer pour être en capacité d’exprimer ces qualités physiques.
Pour illustrer cet article, nous allons proposer dans les prochains numéros, des articles sur la préparation spécifique de certaines compétitions de swimrun en France et à l’étranger. En commençant dès le mois prochain par l’entraînement spécifique pour préparer le Gravity Race Ile de France.