Article paru dans le magazine 216_mai 2022 / Rédigé par Simon Billeau et photos @Activ’images / Aix Savoie Tritahlon

Le mois de mai est synonyme de retour des compétitions triathlétiques partout sur le territoire. C’est aussi le mois où les températures commencent à devenir plus agréables. Certains d’entre nous se sont concentrés sur leur préparation hivernale en utilisant de manière prépondérante leur vélo intelligent connecté à Zwift ou tout autre plate-forme virtuelle. Comment alors bien réussir la transition indoor-outdoor ? Eclairages.

Les entraînements indoor permettent d’éviter les risques liés aux intempéries et ceux liés à la circulation. L’entraînement est souvent plus efficace pour des paramètres physiologiques, mais il dénature l’activité même de cyclisme. En effet, on n’a jamais vu un champion de Zwift gagner le Tour de France. L’exemple de Geraint Thomas est pertinent. Il a su saisir l’opportunité en 2018 pour gagner son unique Tour de France. Depuis, il s’est entraîné comme un furieux sur Zwift, notamment durant la période de confinement en enchaînant par exemple un bloc de 3 jours à 12h de cyclisme par jour sur Zwift (selon son partenaire d’entraînement Cameron Wurf) avec les résultats qu’on lui connaît ces dernières années. En triathlon, un garçon comme Lionel Sanders est capable d’envoyer des watts énormes sur son Canyon, mais il est bien moins compétent qu’un cadet en école de cyclisme pour franchir des terrains techniques comme sur le half de Wiesbaden en 2016 où il avait chuté… et où il avait manqué le titre de champion d’Europe 70.3 à cause de son temps en vélo. D’un autre côté, un garçon comme Jan Frodeno utilise également Zwift de manière régulière, mais le “garçon” a l’expérience de rouler en peloton de ses années de triathlon olympique et roule en gravel relativement souvent sur la côte catalane où il a posé ses valises.

Le débat n’est pas de savoir si les vélos intelligents sont bons ou mauvais. Ils sont ce que vous en faites. Utilisés intelligemment, ils sont définitivement un atout. Utilisés en excès, il n’y aucun doute qu’ils vous seront néfastes. Envoyer des watts ne fait pas tout. Encore faut-il être aéro (et accessoirement voir où l’on va sinon on finit contre un bus comme Egan Bernal !) et être stable, car dans le monde réel, le vent fait partie du décor. Les positions souvent extrêmes que l’on maintient dans notre “pain cave” sont parfois irréalistes pour le monde réel. On s’entraîne également dans le confort de notre lieu de résidence, ce qui inclut une température ambiante raisonnable et de la nutrition à portée de main.

Vous l’avez compris, la transition saisonnière où l’on passe d’un entraînement ultra sécurisé en intérieur à un entraînement en extérieur avec les dangers qu’on lui connaît est délicate et mérite d’y porter notre attention pour qu’elle se déroule en douceur et sans revers ou contretemps à cause d’un incident.

Nous allons donc vous donner quelques conseils, que ce soit d’un point de vue thermique et nutritionnel, mais aussi et surtout sur les séances à favoriser pour optimiser le passage de l’intérieur à l’extérieur. Quand on s’entraîne sur un vélo intelligent sans le regard d’autrui, on se met à l’aise et donc on ne s’habille pas forcément de manière décente. On pédale souvent torse nu et le regard est soit tourné vers le bas en position aéro soit sur l’écran pour regarder le paysage…

Or, lorsque l’on roule dehors au mois de mai et que les écarts de températures entre le matin et l’après-midi sont relativement importants, il faut se vêtir en conséquence. L’Homme est un “animal tropical”, donc il est capable de thermoréguler de manière efficiente, spécialement si le climat est chaud. En revanche, il est dénué de protection contre le froid, hormis avec le mécanisme de frissonnement. Cependant, ce réflexe n’arrive que lorsque le corps humain est d’ores et déjà en état d’hypothermie. Dans un but de performance et de santé, ce n’est pas optimal pour le moins que l’on puisse dire. Il faut donc anticiper quelle sera la météo pour vos séances d’entraînement. De nombreuses applications sur vos smartphones donnent des données relativement fiables, du moins assez bonnes pour vous orienter sur la tenue et les accessoires à embarquer avec vous.

Les différences majeures entre le cyclisme virtuel et réel

  • La pluie, le vent, le froid

Pour tous ces critères, des vêtements techniques existent maintenant et vous permettent de rouler par tous les temps en améliorant votre confort. Qui n’a jamais expérimenté la sensation de pieds congelés ou mouillés ? Les extrémités sont les plus exposées car elles ne reçoivent que peu de sang “chaud” de la circulation sanguine. En effet, avec la baisse de la température corporelle, le corps répond par une vasoconstriction périphérique. Le noyau composé des organes vitaux doit être gardé à une température constante. Ainsi, il faut veiller à enfiler le bon nombre de couches vestimentaires pour que la température corporelle reste dans des conditions d’équilibre relatif. Concrètement, il faut pouvoir se mouvoir sans surchauffer de trop et en même temps, il faut s’assurer de ne pas être trop légèrement vêtu. En général, les cyclistes utilisent une sous-couche (baselayer) qui est respirante et qui permet d’évacuer la sueur vers l’extérieur et un maillot plus ou moins épais selon les saisons. Les tissus employés peuvent être résistants au vent et à la pluie. Si le temps n’est pas trop frais, des accessoires comme des sur-maillots sans manches peuvent être emportés dans les poches dorsales et utilisés en fonction des périodes (alternance de pluie, grêle…).

Ensuite, il faut penser à protéger les extrémités (pieds, mains, oreilles…). Il existe aujourd’hui des surchaussures et des gants très efficaces pour lutter contre la pluie et le froid. Le néoprène a fait son apparition dans cette catégorie d’articles. Une entreprise du Yorkshire se démarque d’ailleurs à mon sens, Spatzwear. Fondée par un cycliste pro retiré des pelotons, Tom Barras, la marque anglaise s’est spécialisée dans le textile pour notamment lutter contre les éléments sans restreindre les mouvements articulaires.

http://alternativsport.com/238-spatzwear

« Quand on roule en extérieur, il ne suffit pas de voir. Être vu est de loin tout aussi important. »

  • La circulation et le mobilier urbain

Sur Zwift, vous pouvez garder la tête dans le guidon… Le logiciel se charge de vous maintenir en équilibre, évite les autres utilisateurs et permet de descendre des cols à 100 km/h sans avoir à ralentir pour prendre un virage ou sauter un dos d’âne. Dans la réalité, il faut intégrer la circulation et respecter le code de la route pour effectuer votre séance d’entraînement. Qui dit aussi circulation, dit potentiel danger de ne pas être vu. On revient brièvement aux tenues vestimentaires adéquates. Quand on roule en extérieur, il ne suffit pas de voir. Être vu est de loin tout aussi important. C’est la raison pour laquelle des vêtements avec des bandes réfléchissantes sont conseillés. De même, des casques d’un nouveau genre ont fait leur apparition sur le marché. Ils incluent des lumières intégrées comme le Livall Evo 21

https://www.livall.com/english/product/overview/id/31.html

ou le Lumos qui contient en plus des flèches directionnelles et une lumière arrière qui s’intensifie lorsque l’accéléromètre détecte un freinage:

https://lumoshelmet.co/

Posséder une lumière frontale et à l’arrière de votre vélo quel que soit le temps peut s’avérer salvateur. Les lumières modernes se chargent toutes via des port USB et donc le chargement ne coûte que 3 fois rien. Qui plus est, le mode le plus judicieux pour être vu est également le plus économique. Le mode lumière clignotante attire l’attention des automobilistes.

Une fois votre sécurité assurée, ou plutôt optimisée, car on ne peut minimiser tous les risques, il faut bien voir. Les lunettes photochromiques sont idéales du fait de leur propriétés. Les lentilles se noircissent si la luminosité est élevée et s’éclaircissent lorsque la luminosité baisse. (lire notre article sur les lunettes Ekoï E Lens dans le n°215). Il existe aussi des marques qui proposent des verres hydrophobes et qui donc repoussent la pluie. Avec le mobilier urbain et l’état des routes empruntées, il vaut mieux éviter les écouteurs directement dans les oreilles si vous aimez la musique lors de vos sorties cyclistes. Des marques se sont spécialisées pour délivrer le son via conduction au niveau des os du crâne et des tempes (lire notre article sur les lunettes Ekoï audio au sein de ce magazine).

Nous avons déjà évoqué le vent dans les éléments climatiques dont il faut tenir compte pour sa tenue vestimentaire. Cependant, le vent intervient également au niveau de l’aérodynamisme et surtout l’impact qu’il a sur le maintien d’une position individuelle aérodynamique. En effet, le vent, inexistant dans votre pain cave hormis peut-être un ventilateur pour vous aider à contrôler votre température corporelle, est bien présent en extérieur. Il se peut qu’il soit irrégulier, soit de force constante et même dans ce dernier cas, il faut toujours se méfier car le mobilier urbain, l’aspiration d’un véhicule ou les spécificités de l’environnement (entrée d’un champs, intersections d’une route perpendiculaire…) peuvent vous jouer des tours au niveau de la stabilité de votre poste de pilotage.

En effet, vous avez sûrement mis à profit cet hiver et les confinements incessants pour modifier votre position en cyclisme. L’une des solutions pour réduire le drag est de rapprocher les reposes-coudes. Les inconvénients sont multiples et interdépendants avec le reste de votre positionnement. Si par exemple votre reach est trop court (rappelons que le reach consiste en la distance en longueur entre le centre du boitier de pédalier et le dessus de la colonne de direction), rapprocher vos reposes-coudes affecte la liberté de mouvement de votre cage thoracique, ce qui n’est pas idéal dans un sport d’endurance. Pour le vérifier, c’est très simple. Prenez une inspiration maximale dans votre position actuelle. Sans expirer, écartez légèrement vos coudes et tentez d’inspirer encore (un peu à la façon d’un plongeur en apnée…). Si vous pouvez inspirez plus, c’est que la position n’est pas optimale. Il vous faudra aussi jouer sur le reach (et donc la longueur de la potence si votre vélo n’est pas pourvu d’un ensemble potence-cintre intégré et/ou le recul de selle) et/ou la largeur de vos reposes-coudes.

La largeur des reposes-coudes a également un impact très significatif sur votre stabilité et maniabilité. En effet, plus ils sont proches, moins la position est stable. C’est la même chose que se tenir debout en ayant les pieds joints. Le polygone de sustentation est réduit et la projection du centre de gravité dans cette zone a plus de chance d’en dévier et donc d’entraîner un déséquilibre incontrôlable. La marque DT Swiss, en partenariat avec Swiss Side, a d’ailleurs optimisé ses roues pour le paramètre “couple de braquage”. Ils décrivent simplement et en détail ce point.

« Rouler en groupe s’avère très intéressant pour travailler les compétences de pilotage. »

Ainsi, nous vous suggérons de commencer vos sorties printanières avec des roues dont les jantes sont basses, spécialement la roue avant. Puis, avec la pratique et l’expérience emmagasinées sur votre nouvelle position, vous pouvez augmenter la hauteur de jante jusqu’à la hauteur optimale. Un mot au niveau des pneumatiques utilisés. En intérieur, il n’y a évidemment pas de risque de crevaison. C’est une autre histoire en extérieur. Ainsi, on ne peut que vous recommander des pneus d’entraînement fiables dont la résistance au crevaison est avérée. Dans ce domaine, les Continental Gator Hardshell sont un très bon compromis prix-durabilité. Si vous ne roulez pas en tubeless, sachez qu’il est également possible d’insérer du liquide anti-crevaison dans vos chambres à air. À ce titre, je ne pourrais que vous orienter vers la marque Effetto Mariposa. Ils ont un liquide anti-crevaison qui fait des merveilles pour des trous allant jusqu’à 5 mm pour les VTT et Gravel et 3 mm pour les pneus route. Leur gamme possède également un catalyseur qui s’appelle ZOT! Nano et qui fixe des trous jusqu’à 10 mm, ce qui est inégalable et imbattable par tous les compétiteurs.

Enfin, si vous êtes vraiment malchanceux, ils offrent également des cartouches 2 en 1 que l’on peut transporter avec son kit anti-crevaison. Il s’agit d’une mousse anti-crevaison couplée à du CO2, ce qui permet de réparer et de gonfler le pneu ou la chambre en même temps.

https://www.effettomariposa.eu/

Côté nutrition, si vous vous êtes concentré sur du travail qualitatif jusqu’à maintenant car vous rouliez en intérieur, il serait de bon ton d’inclure des séances plus longues en extérieur. L’endurance aérobie ne s’acquiert que par des séances dont la durée est supérieure à une heure et dont l’intensité est modérée (aux alentours des 70% de VO2max selon les auteurs). Gardez à l’esprit que le corps humain peut assimiler jusqu’à 60/70 grammes de glucides par heure (plus si vous utilisez la marque Maurten grâce à l’encapsulation du glucose le rendant indétectable pour l’estomac). Ainsi, selon la durée de votre séance, un simple calcul d’addition entre le glucose embarqué sous forme liquide et solide permet de prévoir le nombre de bidons et de gels à emporter.

Gardez néanmoins à l’esprit que par temps froid, le corps dépense plus d’énergie pour une activité donnée, car il doit également lutter contre les éléments et sauvegarder l’homéostasie de l’organisme. C’est la raison pour laquelle j’emporte toujours un peu plus que le nécessaire. On n’est jamais à l’abri d’un détour ou d’une hypoglycémie du fait de l’effet cumulatif des séances journalières entre elles. Et parfois, le gel “d’urgence” est grandement apprécié par un camarade de club qui n’a pas été autant prévoyant.

Types de séances que vous pourriez faire en extérieur

Comme nous l’avons dit auparavant, la grande majorité des triathlètes ne sont pas des acrobates sur un vélo. C’est facilement observable si vous assistez à un triathlon en tant que spectateur. De l’enfourchement du vélo à la ligne de transition en passant par les passages techniques, les triathlètes ont beaucoup à apprendre pour ne faire qu’un avec leur monture. Ainsi, rouler en groupe s’avère très intéressant pour travailler les compétences de pilotage. Rouler en groupe ne veut pas dire rouler en peloton de manière anarchique comme au Tour de France mais en petit groupe de niveau à deux de front. L’intérêt est de garder un minimum d’espace entre les athlètes que ce soit entre les roues arrière du triathlète ouvreur et la roue avant du triathlète suiveur mais aussi et surtout l’espacement entre les triathlètes sur une même ligne. À ce titre, il est possible d’intégrer des éducatifs ou jeux où l’on entre en contact avec son voisin, soit au niveau des coudes, soit au niveau des casques. Mais attention à ce que cela ne tourne pas au drame. Il ne faudrait pas qu’en prônant une amélioration des compétences, on y laisse une clavicule…