Article paru dans le magazine 226_Avril 2023 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)
La saison de triathlon se profile doucement à l’horizon, coïncidant ainsi avec une augmentation significative de la charge d’entraînement. L’un des nombreux écueils que doivent éviter les athlètes dans leur préparation, c’est le surentraînement, avec son corollaire d’effets secondaires : blessures, maladies…
Durant la période de surcharge pré-compétitive, l’entraînement engendre une fatigue physique et psychique relativement importante. Fatigue qui peut aussi être induite par les activités du quotidien : travail, famille, soucis divers… Cet état de fatigue prononcé qui peut déboucher sur un était de pré-surentraînement (over-reaching), ou plus grave, de syndrome de surentraînement. Que faire pour éviter ce syndrome ? Comment le traiter ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre.
« 2 semaines de repos relatif ne permettent pas de corriger le surentraînement. »
Qu’est-ce que le syndrome de surentraînement ?
Le surentraînement se caractérise par une baisse importante des performances, que 2 semaines de repos relatif ne permettent pas de corriger. Un entraînement excessif et un planning de compétition trop chargé sont souvent à l’origine du surentraînement, mais ce n’est pas la seule raison.
En effet, ce syndrome est fortement “potentialisé” par les facteurs de stress liés à la vie quotidienne (voyages répétés, activité professionnelle importante…). À noter qu’un état de surentraînement profond peut déboucher sur un syndrome de fatigue chronique qui est une pathologie rare, très difficile à traiter.
Comment détecter le surentraînement ?
Le syndrome de surentraînement existe sous 2 formes distinctes : la première, appelée sympathique, concerne surtout les sportifs qui pratiquent un sport de type puissance / sprint. Elle se caractérise surtout par un état d’hyper-excitabilité générale.
La seconde forme, appelée surentraînement parasympathique, s’observe surtout dans les disciplines d’endurance, et se traduit par un état d’hypo-excitabilité général. Bien que difficile à identifier, le syndrome de surentraînement se caractérise par un certain nombre de symptômes, dont la présence concomitante contribue à l’élaboration du diagnostic.
Symptômes du surentraînement « sympathique » (sports de puissance / sprint) | Symptômes du surentraînement « parasympathique » (sports d’endurance) |
Baisse des performances Sujet facilement fatigué Agitation, hyperexcitabilité Troubles du sommeil Anorexie, perte de poids Augmentation de la fréquence cardiaque de repos Récupération cardiaque post-exercice lente Perte de l’esprit de compétition Augmentation des infections bénignes Diminution de la tolérance à l’acidose lactique | Baisse des performances Sujet facilement fatigué Dépression, comportement flegmatique Sommeil facile Appétit normal, poids constant Baisse globale de la fréquence cardiaque Hypoglycémie au cours de l’exercice Diminution de la libido Aménorrhée (femmes) Perte de l’esprit de compétition Augmentation des infections bénignes |
Comment diagnostiquer les prémices du surentraînement chez un/une triathlète ?
Le diagnostic du surentraînement repose sur l’analyse d’un certain nombre de signaux.
Signaux forts :
- Une entrainement compulsif
- Une diminution des performances sportives
- Une irritabilité forte
- Une fatigue générale et des difficultés à récupérer
Signaux faibles :
- De mauvaises sensations à l’entraînement
- Une diminution de motivation
- Une modification persistante de la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV) de repos
- Une modification de la Fréquence Cardiaque de Récupération (HRR)
- Des douleurs et blessures musculo-articulaires
- Des infections à répétition…
L’athlète est le premier concerné, mais les proches (conjoint, entraîneur, partenaires d’entraînement, kiné, médecin) ont un rôle fondamental à jouer car on n’a pas toujours conscience de ces signaux.
Quelle conduite adopter pour traiter un syndrome de surentraînement ?
Pour un “over-reaching” (pré-surentraînement), quelques jours de repos complet puis une reprise progressive en endurance de base peuvent suffire pour retrouver un état physiologique normal.
Dans le cas d’un diagnostic de surentraînement chez un sportif, le seul traitement envisageable est le repos. Pour cela, il est nécessaire de stopper toute activité d’entraînement. La pratique d’une activité physique “informelle” est envisageable (promenade pédestre, nage en mer, activités ludiques) mais doit rester très légère
« Il ne faut surtout pas imaginer que plus on s’entraîne, plus on progresse… »
Sur le plan nutritionnel, il est recommandé d’adopter une alimentation “drainante, alcaline et anti-inflammatoire” :
- Consommer fruits et légumes de saison à volonté
- Limiter la consommation de céréales complètes (acide)
- Limiter les protéines animales en particulier les laitages, la charcuterie et la viande rouge
- Limiter, voire mieux, supprimer les produits raffinés (biscuiterie, croissanterie, barres chocolatées… etc)
- Supprimer les alcools et les excitants (café, thé…)
Et bien entendu, il est indispensable de ne pas manger la même chose lors de 2 repas consécutifs, l’idéal étant de mettre en place une rotation alimentaire sur 4 jours. Le surentraînement peut perdurer plusieurs mois dans les cas les plus sévères (3 à 6 mois).
Comment prévenir le surentraînement ?
- Le premier moyen consiste à ne réaliser qu’un nombre raisonnable de compétitions durant la saison. Ce nombre de compétitions sera fonction de différents facteurs tels que l’âge, le nombre d’années de pratique, la physiologie de chacun… On peut cependant dire qu’au-delà de 10 épreuves par an, on s’approche du maximum pour un sportif amateur qui a des responsabilités familiales et professionnelles.
- Le second moyen réside dans la réalisation d’un entraînement diversifié, pour éviter ce que Carl Foster (spécialiste du surentraînement), appelle « la monotonie ». Un entraînement est monotone quand il est stéréotypé (par exemple : enchaînement vélo-course à pied tous les jours). Aussi, il faut chercher la plus grande diversité possible dans l’entraînement hebdomadaire. De plus, il ne faut surtout pas imaginer que plus on s’entraîne, plus on progresse… Les phases de repos ont une place très importante dans l’entraînement d’un triathlète.
- Le respect du principe d’alternance entraînement/repos est essentiel. Ainsi, une saison doit être découpée en cycles d’entraînements, lesquels seront toujours ponctués de phases de récupération. Ces phases comportent des entraînements courts et de faible intensité, mais aussi des jours de repos complets.
- Progressivité : Éviter de reprendre l’entraînement trop rapidement suite à une infection, une blessure, un coup de chaleur ou un gros stress psycho-physiologique (examen, déménagement, conflit familial ou professionnel). La progressivité est un principe fondamental !
- Éviter de se lancer dans une préparation lourde type Ironman si vous êtes surchargé de travail et que vous avez déjà une vie de famille bien remplie… cela ne va pas passer !
- L’hygiène de vie est elle aussi un gage de régularité dans les performances au cours d’une saison de compétition. Les éléments inclus dans l’hygiène de vie sont :
- Le sommeil, en qualité et durée suffisante, qui contribue à une bonne récupération
- Une alimentation saine et diversifiée contribue aussi au bon fonctionnement de l’organisme et à une récupération rapide. Un apport suffisant en glucides et en protéines est impératif pour prévenir le surentraînement, en particulier lors de la phase de récupération post-effort
L’éclairage apporté sur cette question doit permettre aux athlètes de terminer la saison dans les meilleures conditions !
VFC (variabilité de la fréquence cardiaque), l’expert vous répond
« J’ai entendu dire que mesurer sa fréquence cardiaque le matin pouvait permettre de déceler le surentraînement. Qu’en pensez-vous ? »
La mesure de la FC le matin à jeun est un précieux indicateur de l’état de forme. Le plus important est de constater que la FC de repos reste dans une fourchette “normale”. Toute hausse inattendue peut être le signe d’une fatigue accentuée, d’un état de stress aigu et/ou d’un état pathologique (maladie). Quoi qu’il en soit, il convient de mettre la FC de repos en relation avec les sensations du moment, ainsi qu’avec les performances à l’entraînement ou en course.
Encore plus intéressant que la FC de repos, une autre mesure prend de plus en plus d’intérêt : la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC). Mesurer la VFC consiste à mesurer l’intervalle de temps entre 2 battements et à visualiser son évolution. La VFC est un indicateur très sensible de l’influence du système nerveux sur le cœur. La VFC permet donc de détecter de manière assez précoce les états de stress pouvant conduire au surentraînement. Sur le plan pratique, il faut mesurer sa FC tous les matins.
Pour compléter la réponse à cette question, nous avons interrogé le Dr Marco Altini, fondateur de l’application HRV4TRAINING (https://www.hrv4training.com/) à ce sujet. (ndlr : l’application Hrv4training est une app validée scientifiquement qui permet de mesurer la VFC au niveau de l’index à l’aide de la caméra de votre smartphone).
Comment utiliser la VFC pour éviter le surentraînement chez les triathlètes ?
Dr Marco Altini : C’est une question difficile. La VFC est un marqueur global du stress et, en tant que tel, elle peut être utile pour identifier les réponses négatives à l’entraînement et potentiellement détecter, ou peut-être prévenir le surentraînement. Fondamentalement, un signal de VFC moins stable est souvent révélateur de certains problèmes de maintien du contrôle homéostatique, et donc d’une réponse négative à l’entraînement.
En règle générale, les signes de réponses négatives à l’entraînement en ce qui concerne la VFC sont les suivants :
– Scores quotidiens ou moyenne mobile sur 7 jours inférieurs à la plage de VFC habituelle
- Variabilité quotidienne plus élevée en réponse à un facteur de stress donné.
NB : La plage “normale” est élaborée en utilisant 30 à 60 jours de mesure, et utilisée pour déterminer quels changements sont significatifs et quels changements font simplement partie de la variabilité quotidienne normale. Les scores quotidiens ou les valeurs de base inférieures à la normale sont simples à détecter, car nous parlons d’une suppression significative de la VFC. »
De nombreux athlètes sont également parents, ont un travail, et sont donc potentiellement stressés par les activités de la vie quotidienne. Comment dissocier la fatigue induite par l’entraînement de la fatigue d’effort quotidienne avec des mesures de VFC ?
Dr Marco Altini : « Tout ce qui précède est significatif dans le contexte de l’analyse de l’entraînement en tant que principal facteur de stress. Cependant, comme vous le soulignez, il y a d’autres facteurs stressants que l’entraînement. La VFC est un marqueur sensible du stress : il détectera la plupart des facteurs de stress, car ils ont tous un impact similaire sur notre système nerveux autonome, et la réponse au stress. Cependant, la VFC n’est pas un marqueur spécifique d’un type de facteur de stress en particulier. Cela signifie que la VR VFC C captera le stress quelle qu’en soit la source, et il n’est pas possible de faire la distinction entre la fatigue induite par l’entraînement et la fatigue due au stress quotidien.
À mes yeux, c’est un avantage plus qu’une limitation : en effet, notre capacité à gérer le stress est limitée, et le stress s’accumule petit à petit. Grâce à des marqueurs comme la VFC, nous pourrions être en mesure de maintenir un meilleur équilibre du stress global, et donc de mieux nous entraîner et de mieux performer. L’entraînement peut être quantifié de différentes manières, mais la réponse à l’entraînement ne dépendra pas seulement du stimulus d’entraînement, mais aussi de notre capacité à assimiler ce stimulus à un moment donné, qui dépendra également d’autres facteurs de stress.
Si le mode de vie d’un athlète est loin d’être optimal, les données de VFC seront impactées, quel que soit l’entraînement.
En tant que scientifique du sport, et athlète passionné, quelles seraient vos recommandations pour les athlètes essayant d’éviter le surentraînement ?
Dr Marco Altini : « Ma première recommandation est toujours de commencer avec un bon plan d’entraînement. Une fois que nous avons un bon plan, nous pouvons commencer à examiner les données de VFC, en réponse à son type d’entraînement donnée, et à d’autres facteurs de stress.
Dans les périodes d’entraînement de surcharge, par exemple augmenter le volume, ou faire un cycle de très haute intensité, ou un bloc d’altitude ou d’acclimatation à la chaleur, il est particulièrement intéressant d’examiner ce qui arrive à notre physiologie au repos (fréquence cardiaque, HRV), et éventuellement de faire ainsi des ajustements.
Outre l’entraînement, la gestion des facteurs de stress non liés à l’entraînement peut être essentielle, car la même quantité d’entraînement peut avoir un impact différent sur le corps (et sur le risque de surentraînement). Si l’entraînement en question est effectué dans une situation de « stress de la vie » contrôlé (lorsque nous sommes reposés, aptes à nous entraîner), ou lorsque cela se fait dans situation de stress élevé (soucis, préoccupations majeures). Ce stress non lié à l’entraînement aura un impact sur notre capacité à réagir positivement au stress de l’entraînement.
Dans ces situations, il convient de faire attention aux changements de VFC en dessous de la plage normale ou à une variabilité quotidienne plus élevée, et commencez éventuellement à mettre en œuvre de petits changements tels que la réduction de la charge de l’entraînement, le soin apporté au sommeil et à la nutrition. »
Références
Daanen HA. A systematic review on heart-rate recovery to monitor changes in training status in athletes. Int J Sports Physiol Perform. (2012) Sep;7(3):251-60.
Foster C. Le syndrome de surentraînement. Insider (1999);7(1).
Robson PJ. Elucidating the unexplained underperformance syndrome in endurance athletes. Sports Med (2003);33(10):771-781.
Siegl A. Submaximal Markers of Fatigue and Overreaching; Implications for Monitoring Athletes. Int J Sports Med (2017) 38(9):675-682