Article paru dans le magazine 224 _Février 2023 / Rédigé par Simon Billeau
Le triathlon est un sport basé sur l’enchaînement sans interruption du chronomètre de 3 sports que sont la natation, le cyclisme et la course à pied. Cependant, même si les triathlons court et longue distances font bien partie du même sport, les caractéristiques des participants qui excellent dans ces 2 versions ont des particularités qui leur sont propres. En effet, en raison des spécificités des différentes épreuves, les pratiquants révèlent également des différences notoires que nous allons vous expliciter et illustrer dans les paragraphes qui suivent, pour vous aider à définir votre profil et voir s’il vous est possible de passer d’une distance à une autre.
Des critères comme l’âge, la physiologie, l’anthropométrie ou le profil psychologique sont quelques-uns des facteurs présentant des différences dans les 2 groupes. Mais tout d’abord, commençons par rappeler les distances que l’on tente de comparer.
Le super sprint, qui vient d’ailleurs de faire son entrée aux Jeux Olympiques en tant que relais, est constitué de 250 à 500 m de natation, de 5 à 13 km de vélo et de 1,5 à 3,5km de course à pied A l’autre bout du spectre, on a le full distance, plus communément appelé Ironman, qui consiste à enchaîner 3,8km de natation, 180 km de vélo et un marathon de 42.2km (sans parler des épreuves enchaînant des multiples de distance ironman)
La natation
La première constatation que l’on peut faire, c’est que la partie natation revêt une part temporelle proportionnellement plus petite sur la distance Ironman comparée à la distance super sprint. En effet, pour ce qui concerne le triathlon super sprint, la natation compose approximativement 20% de l’épreuve totale alors qu’elle est plutôt autour des 12-15% en Ironman.
De cette constatation, on pourrait se dire que les athlètes performants en triathlon courte distance pourraient être de meilleurs nageurs. Et c’est le cas ! Une étude de Grégoire Millet et Patrick Dreano en 2003 sur des athlètes élites hommes participant aux championnats du monde a montré que les temps natation des athlètes courte distance étaient meilleurs comparés aux athlètes longue distance, alors que les paramètres physiologiques en cyclisme et course à pied ne révélaient pas de différences significatives.
En disant cela, si vous êtes un bon nageur, mais que vous aimez le triathlon longue distance, ne restez pas cantonnés aux triathlons courte distance à cause de ce prétexte. Au contraire, votre niveau natation sera un avantage en triathlon longue distance pour commencer votre triathlon serein et tenter d’économiser de l’énergie pour le reste de l’épreuve. Un exemple parmi tant d’autres est le champion olympique 2008 Jan Frodeno qui sort toujours aux avants-postes en Ironman du fait de son passé et de son bagage technique en natation.
Le drafting
Par ailleurs, le drafting, ou l’autorisation dans le règlement de se suivre et de s’entraider en cyclisme sur triathlon courte distance, est un paramètre à prendre en compte et à considérer lors de votre préparation physique.
Le drafting a un impact sur toutes les disciplines du triathlon. En natation, les meilleurs nageurs nagent plus fort qu’ils le feraient s’il n’y avait pas de drafting en cyclisme, pour justement distancer les moins bons nageurs. Le cyclisme est quant à lui ponctué d’accélérations dues aux attaques et stratégies des uns et des autres. Enfin, la course à pied subséquente est impactée également selon les efforts consentis (abri ou efforts solitaire et/ou partagés).
Cependant, étant donné la nature multidisciplinaire du triathlon, ce sport est bien plus que la simple addition des 3 sports. L’interaction entre les différentes parties d’un triathlon doit être prise en compte. La performance dépend de la somatotrope, des capacités physiologiques, de la technique ou la stratégie en course a pied pour ne citer que quelques critères.
La physiologie
Une méta-analyse de la littérature scientifique a été faite en 2022 et a mis en évidence les facteurs déterminants de la performance pour les triathlons courte distance. Les profils des athlètes hommes et femmes performants sur courte distance ont des différences significatives avec leurs collègues du longue distance au niveau physiologique, anthropométrique, biomécanique et stratégique.
- L’âge
Tout d’abord, l’âge semble être un critère important. Les études sont arrivées à un consensus où l’âge optimal pour performer en triathlon courte distance est autour de 27 ans, que ce soit pour les femmes ou les hommes.
Une anecdote intéressante est que les hommes qui vont aux Jeux Olympiques sont majoritairement nés en début d’année. En effet, Werneck et al., en 2014, ont analysé que les triathlètes des JO sont nés pour 32% d’entre eux au 1er trimestre de l’année, 30% dans le second, 21% dans le troisième et 17% dans le dernier trimestre. Par ailleurs, les médaillés hommes étaient tous nés dans le 1er trimestre.
En conséquence, on peut dire que l’âge de performance en triathlon est autour de 30 ans, mais les récents résultats sur toutes les distances montrent qu’une nouvelle génération d’athlètes dans leurs 20 années d’existence obtiennent des résultats prolifiques. Et donc, l’analyse repose sur plus d’un facteur. Les triathlètes orientés longue distance semble être relativement plus âgés aussi.
- La taille et le poids
Au niveau anthropométrique, il semblerait qu’il n’y ait pas de différences des caractéristiques menant au succès concernant la taille, le poids ou le taux de masse grasse entre les compétiteurs(trices) élites. Cependant, les chercheurs ont relevé que les triathlètes élites ont des différences avec leurs collègues en catégorie d’âge. Il s’avère qu’ils ont des taux de masse grasse plus bas, des segments corporels plus longs, en particulier des mains et des pieds plus grands, ce qui influence notamment la propulsion en natation.
Une étude de Canda et al., en 2014, révèle que la longueur des mains des triathlètes élites est en moyenne de 19,7 cm ± 0,7 pour les hommes et 18,2cm ± 1cm pour les femmes. Concernant les pieds, la taille des chaussures des triathlètes élites hommes est de 43,3 cm ± 2,8 cm et 38,3 cm ±1,6 cm pour les femmes.
La taille des triathlètes élites chez les femmes est en moyenne de 167 cm. Le poids de ces dernières est cependant passé de 60 à 55 kg en moyenne en partie en raison de la réduction du taux de masse grasse. Chez les hommes, la taille moyenne est d’environ 180 cm pour un poids de 70 kg. Comme les femmes, le taux de masse grasse a diminué ces dernières années pour se situer autour des 8% selon une étude de Olaya Cuartero et al., faite en 2021.
- La VO2max
La physiologie est une science qui a étudié en détail les caractéristiques de nos triathlètes court et longue distances. Souvent, les chercheurs ont testé les athlètes pour obtenir leur VO2max et leur seuil anaérobie ventilatoire. Cependant, trop peu d’études se sont intéressées à des critères comme l’économie motrice ou la cinématique du VO2.
Chez les femmes, la VO2max est de l’ordre de 67,3 mL·kg−1·min−1 ± 23,8. Mais le manque de résultats chez les femmes est à prendre avec précaution. Chez les hommes, la consommation maximale d’oxygène est en moyenne de 72,9 ± 3,9 mL·kg−1·min−1. On pense que le VO2max des triathlètes élites hommes et femmes pour les distances courtes et longues n’a pas de différences majeures.
En revanche, le seuil ventilatoire anaérobie semble différer selon la population orientée court ou longue distance. Rappelons que le seuil ventilatoire anaérobie est l’intensité qu’un(e) athlète peut maintenir à un pourcentage le plus élevé possible de son VO2max.
Chez les femmes, une étude existe sur le sujet et montre un seuil anaérobie autour des 80% de VO2max. Chez les hommes, la valeur moyenne du seuil anaérobie est de 84% mais avec des disparités allant de 81 à 87%. On imagine que le seuil anaérobie des triathlètes orientés longue distance est plus bas, avec un seuil ventilatoire aérobie plus efficient comparé au seuil anaérobie.
- Le sang et le lactate
Au niveau sanguin, de nombreuses études se sont intéressées à de nombreux paramètres. Nous allons seulement nous focaliser sur la lactatémie, car c’est l’un des rares critères qu’il est relativement facile de déterminer pour tout un chacun à l’entraînement.
Les résultats montrent que les athlètes de courte distance sont plus aptes à endurer des taux de lactatémie élevés contrairement à leur pairs de longue distance. Par exemple, les athlètes du courte distance durant un triathlon simulé ont obtenu des taux de lactatémie de 6,8 ± 2.1 mmol·L−1 après la partie natation (1500 m en bassin).
Une étude de Baldari et al., en 2005, montre que l’intensité idéale pour recycler les ions lactates est autour de 50% du seuil ventilatoire aérobie. On imagine donc que les triathlètes longue distance sont plus performants à utiliser le lactate comme carburant, plutôt que de supporter des taux élevés pendant des périodes prolongées. En effet, les athlètes du courte distance performent plus de la moitié du temps pendant une course à une intensité supérieure au seuil ventilatoire anaérobie.
Concrètement, si vous aimez sentir vos membres se durcir, si vous aimez “le goût du sang” dans votre bouche, vous vous “amuserez” donc plus facilement sur courte distance. En revanche, si vous excellez à résister à des intensités modérées, l’appel du longue distance sera difficile à éviter.
Facteurs biomécaniques et neuromusculaires
La technique dans les sports d’endurance est un critère essentiel pour performer, notamment en triathlon. Les athlètes qui excellent à des intensités sous-maximales sont capables de réaliser ces efforts aux pourcentages les plus bas possibles en améliorant leur économie biomécanique.
- La natation
En natation, la technique de nage doit s’adapter aux conditions environnementales extérieures. Par ailleurs, le port de la combinaison et le drafting ont un impact sur la performance. Les critères de performance en natation sont nombreux et montrent que les athlètes du courte distance surpassent leur camarades du longue distance. La fréquence de cycle de bras par minute est en moyenne de 37,9 chez les triathlètes, ce qui est relativement similaire aux purs nageurs de haut niveau sur des 400 et 800 m.
La distance par cycle est meilleure chez les triathlètes de courte distance comparés aux triathlètes longue distance, avec des valeurs relativement proches entre les hommes et les femmes. Sur un 400 m, les hommes se déplacent de 1,18 m par cycle et les femmes de 1,08 m par cycle.
Proportionnellement, plus la distance est longue, moins la fréquence est élevée et plus la distance par cycle augmente. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi l’efficience qui entre en jeu. En effet, il semblerait que les athlètes, quelle que soit la distance, aient des fréquences de cycle similaires ainsi que la puissance maximale développée, mais c’est au niveau de l’efficience gestuelle durant la propulsion et la longueur parcourue par cycle que les différences entre ces 2 groupes sont visibles.
- Le cyclisme
En cyclisme, de nombreuses études se sont intéressées à la puissance maximale et à la puissance au seuil ventilatoire anaérobie. Ils ont observé que les triathlètes pouvaient développer 942.8 ± 119.2 watts et 14.2 ± 2.0 W·kg−1 pour les hommes et 676.7 ± 124.6 W et 12.3 ± 1.8 W·kg−1 pour les femmes sur des tests de 6 secondes. Par ailleurs, une étude de Bernard et al., en 2009, a obtenu des puissances au seuil ventilatoire anaérobie de 336 ± 23.0 watts pour les hommes et 241 ±14 watts pour les femmes.
Dans cette même étude, il a été observé que les athlètes roulaient autour de 3,6w/kg pour les femmes et 3,9w/kg pour les hommes, mais que la majorité de la partie cycliste était réalisée à une intensité en-dessous du seuil ventilatoire aérobie (51% ± 9%), puis 17% ± 6% entre le seuil ventilatoire aerobie et anaerobie, 15% ± 3% entre le seuil ventilatoire anaérobie et la puissance maximale anaérobie, et enfin 6% a une intensité plus élevée que la puissance maximale anaérobie.
Etxebarria et al., en 2014, a également observé des triathlètes élites en compétition et a rapporté un coefficient de variation de la puissance de 71% ± 13% avec des pics à plus de 600 watts. 18% de la course étaient réalisés à une intensité supérieure à la puissance maximale anaérobie. Cet auteur remarque que l’intensité est à son apogée en début de partie cycliste, puis diminue progressivement malgré des sprints à une intensité plus élevée que la puissance maximale anaérobie, pour se replacer ou simplement rester au contact du groupe.
En résumé, les triathlètes du courte distance excellent à réaliser des parties cyclistes a une intensité proche du seuil ventilatoire anaérobie, mais ponctuées de courtes périodes d’intensité maximale. À l’opposé, les triathlètes longue distance sont des experts au niveau de la position aérodynamique. Sur des distances Ironman, leur intensité est proche du seuil ventilatoire anaérobie, mais sans les à-coups de leurs confrères du courte distance. La cadence de pédalage est aussi plus régulière et légèrement plus basse.
- La course à pied
En course a pied, il semblerait que ce soit la longueur de la foulée qui soit le plus corrélée à la performance durant un triathlon. Une étude de Cala et al., en 2008, a montré que la vainqueur d’une coupe du monde WTCS avait une longueur de foulée plus longue, une cadence plus basse et une extension du genou de la jambe en contact avec le sol plus grande que ses concurrentes.
En Ironman, les triathlètes ont des cadences de foulée plus basses, ainsi que des longueurs de foulée plus courtes, également dues à des vitesses de déplacement bien plus basses. Mais l’extension du genou est un critère que les meilleurs ont en commun.
Stratégie et mental
En termes de stratégie, les études ont analysé que la natation, le cyclisme et les transitions étaient les épreuves où les triathlètes pouvaient perdre un triathlon et que c’était en course à pied qu’ils pouvaient le gagner. Ainsi, les triathlètes du courte distance s’entraînent plus en course a pied, comparativement aux triathlètes longue distance, sans cependant négliger les 2 autres disciplines.
Il semblerait que les triathlètes longue distance passent plus le temps sur leur vélo et que l’intensité d’entraînement soit également plus basse proportionnellement.Une étude de Vleck et al., en 2008, a montré que la vitesse en natation durant les 350 premiers mètres était plus élevée que le reste du segment natation, et que la position à cet instant déterminait le reste de la performance en natation chez les athlètes du courte distance.
En cyclisme comme en course à pied, le début de ces segments est effectué toujours plus vite que la seconde partie, sauf pour la course si les leaders sont au coude à coude. En Ironman, la partie cycliste est effectuée à vitesse ou intensité constante (selon les parcours), de même que la course à pied. Cependant, en général, la seconde partie du marathon est plus lente, du fait de la déplétion des stocks glycogéniques.
Au niveau psychologique, les facteurs qui influencent directement la performance semblent être la combativité à l’entraînement, la persévérance, le jusqu’au-boutisme. Les facteurs négatifs sont les blessures qui impactent l’état mental et la confiance en soi. Cela s’applique chez les triathlètes du courte distance comme pour les sujets du longue distance.
D’un côté, des études de laboratoire et de terrain montrent que la performance en courte distance est prédictible en fonction de paramètres comme la lactatémie, la puissance maximale anaérobie en cyclisme, et la vitesse de course à pied durant un enchaînement vélo-course à pied. À l’inverse, la lactatémie en Ironman est plus basse, de même que les vitesses maximales en cyclisme et course à pied.
En conclusion
Comme vous l’avez compris, des différences notoires sont observées entre les athlètes du courte et du longue distance.
Pour résumer, les 2 catégories ont des VO2max relativement élevées, mais les athlètes du courte distance sont capables d’endurer des lactatemies plus élevés, d’où une capacité anaérobie plus importante pour ces derniers, contrairement aux athlètes du longue distance.
À l’inverse, les athlètes du longue distance ont un métabolisme des graisses optimisé (Fatmax) et leur Carbmax, c’est-à-dire leur puissance exercée quand ils brûlent 90 g de glucides par heure, est également élevée.
Il est possible d’établir des profils physiologiques via des tests pour déterminer vos forces et faiblesses et de les travailler en fonction de vos objectifs, qu’ils soient d’une heure ou deux, ou de très longue haleine. INSCYD est une compagnie qui offre ses services pour ce genre de préparation individuelle optimisée (lire notre article dans le magazine n°203).