Article paru dans le magazine 220 _Septembre 2022 / Rédigé par Romuald Vinace

Comme hors du monde, la 0-3000 – un projet hors-norme monté par des passionnés – s’est aujourd’hui installée dans le paysage du triple effort. Si avec son équipe, il ne prétend pas jouer dans la cour des incontournables événements insulaires, François Pierré veut voir son diamant grandir. Président du Club Triathlon Réunion, « club de toutes les régions, club d’une même passion », lance-t-il. À l’approche du 3 décembre, ce dernier cultive un optimisme contagieux et sans faille avant la 3ème édition de l’épreuve la plus haute du monde dans cette spécialité. Créateur de ce joyau, il le décrit comme « une expérience personnelle inédite, un voyage initiatique, une expérience presque philosophique » au pied du volcan.

Au cœur d’un panorama à couper le souffle, « il reste accessible à tout sportif entrainé, notamment financièrement », sourit François, jamais à court d’atouts dans sa manche. Attachant autant que déterminé à convaincre les partenaires encore frileux, il espère que ce nouvel Opus lui offrira une plus grande visibilité, histoire de récompenser le formidable travail des bénévoles. Un juste retour sur investissement qui serait accueilli comme une grande victoire. Réponse dans quelques mois…     

Dans quel état d’esprit êtes-vous avant la 3ème édition qui s’annonce ?

L’état d’esprit est très positif : joie, optimisme, excitation, mais sérieux aussi car la course est compliquée à organiser, avec par exemple le ravitaillement qui est acheminé au Piton des Neiges par hélicoptère. Mais je ne suis en aucun cas dans un état d’esprit de stress ou de contrariété, encore moins traversé par un quelconque manque de confiance ou rempli de doutes : quand on réalise un projet fou, on doit être sûr que l’on va réussir, on doit être guidé par un optimisme sans faille, sinon on reste à 0 mètre et on ne prétend pas monter jusqu’à 3000 (rires). C’est d’ailleurs cet état d’esprit positif qui doit accompagner les concurrents.

La 0-3000, un Ovni en terre inconnue, un nom de baptême qui suscite la curiosité… quelques explications ?   

En fait, le nom s’est imposé comme une évidence, puisque l’on part du magnifique lagon de Saint-Pierre (0 mètre d’altitude) et que l’on termine au sommet du majestueux Piton des Neiges (un peu plus de 3000 mètres). On pourrait appeler cette épreuve le triathlon du Piton des Neiges, mais pour l’instant la simplicité et l’évidence de la montée de 0 à 3000 mètres (du lagon au Piton, des lames de l’Océan, aux laves du Volcan) s’imposent comme référence pour désigner ce triathlon unique. Certains, en référence à la Diagonale des Fous, ont très justement et finement appelé ce triathlon La Verticale des Fous. C’est un joli nom également. Mais attention à la comparaison, car il faut préciser quand même que la durée de la course est en moyenne de 6h, les premiers mettent 4h15, les derniers, 9h. Ce n’est en rien une épreuve inhumaine. Le vainqueur de la Diagonale boucle le parcours en 23 heures et le gros de la troupe met plus de 48 heures.

Selon vous, la 0-3000 a-t-elle trouvé sa place aux côtés des incontournables que sont la Diagonale des fous, le Tour cycliste de la Réunion ou encore la Mascareignes dédiée aux trailers et la Mégavalanche des vététistes ?

Je n’aurai pas cette prétention. Nous sommes une toute petite course, largement inférieure aux courses que vous citez. Déjà parce que nous ne regroupons que quelques centaines de concurrents, ce qui fait de la 0-3000 le triathlon le plus couru de l’Océan indien, certes, mais le Grand Raid par exemple regroupe plusieurs milliers d’inscrits. Et puis surtout, contrairement à ces épreuves phares, nous n’avons aucun partenaire privé.

« La course est sans doute l’une des courses les plus attrayantes et dépaysantes qui soient, elle mérite des aides de partenaires pour que nous puissions offrir aux athlètes un accueil et un confort dignes des plus grandes courses. Certains concurrents pleurent lorsqu’ils arrivent au Sommet du Piton et que nous leur remettons leur médaille à 3000 mètres, tellement les émotions traversées ont été fortes (…) Moi, je pleure aussi, mais en regardant mon budget et la colonne « recettes partenaires » »

Aucune aide financière ?…

Concrètement, personne n’aide la 0-3000. Pas un centime. C’est plutôt insensé quand on y pense. C’est sans doute l’une des courses les plus attrayantes et dépaysantes qui soient, elle mérite des aides de partenaires pour que nous puissions offrir aux athlètes un accueil et un confort dignes des plus grandes courses. Il arrive que des concurrents pleurent lorsqu’ils arrivent au sommet du Piton et qu’on leur remet à 3000 mètres leur médaille, tellement les émotions traversées ont été fortes ; moi je pleure aussi, mais en regardant mon budget et la colonne « recettes partenaires ». On est donc encore très loin des grands événements que vous citez. Mais, comme les concurrents, on part de 0, et notre ambition est d’atteindre les sommets.

Le seul panorama, bien qu’exceptionnel, peut-il à lui seul faire de la 0-3000 un pôle d’attraction ?

Ce n’est sans doute pas la seule attraction, mais il faut quand même insister sur les panoramas traversés. Le lagon est magnifique, la route de Cilaos incroyable avec le cirque qui s’ouvre majestueusement devant vous après le passage du dernier tunnel, et depuis le sommet du Piton – le sommet de l’Océan Indien – vous découvrez l’île à 360 degrés. L’attrait de la course, c’est la Réunion toute entière. C’est-à-dire une convivialité incroyable, une gastronomie délicieuse, une variété de paysages inouïe. Surtout, la 0-3000 est bien plus qu’un triathlon exceptionnel : c’est une aventure personnelle inédite, un voyage initiatique, une expérience presque philosophique. En effet, vous traversez grâce aux 3 sports l’animal, le végétal et le minéral : les petits poissons du lagon, les champs de canne, de bananiers, les forêts de pins, la montagne et les roches volcaniques . C’est aussi se confronter en une seule course aux 4 éléments qui composent l’univers : l’eau, le feu, l’air et la terre. L’eau du lagon, le feu du volcan, l’air chaud de l’été austral, la terre et ses forêts, ses cultures et ses fruits tropicaux. On est bien au-delà d’un triathlon, n’est-ce pas ?

D’autres atouts pourraient convaincre les derniers indécis de prendre l’avion et de poser le pied dans ce nouvel univers ?

C’est le triathlon le plus haut du monde, c’est le triathlon le plus beau du monde. Il propose le meilleur ratio efforts consentis / joie éprouvée à l’arrivée. Il ne faut pas 24 heures d’efforts surhumains pour arriver au bout de l’épreuve et être fier de sa course. La variété des paysages traversés, entre océan, forêt, montagne et volcan, est totalement inédite. Généralement, on vient faire la 0-3000 pour le sport, et on revient pour la Réunion et les Réunionnais. L’ambition est réellement de faire découvrir l’île. À ce titre, un potentiel reportage de 26 minutes qui serait diffusé sur l’Équipe TV, réalisé par Activ’images, est sur les rails. Je cherche désespérément un partenaire privé qui trouverait l’intérêt de mettre en avant son nom pour s’offrir une visibilité hors-norme. Un partenariat « win-win » : la Réunion et la 0-3000 sur l’ÉquipeTV et un partenaire omniprésent, associé aux images et aux valeurs de cette course unique.

Les coureurs sont, à raison, dithyrambiques. À quoi doivent-ils s’attendre cette année ?

Ils doivent s’attendre à une amélioration à tous les postes. Ce n’est que la 3e édition. Tout est donc largement à améliorer. J’aimerais par exemple trouver les moyens d’offrir une cérémonie de récompenses rythmée par un repas et la musique endiablée d’un groupe local. Pour 80 €, on offre cette course très coûteuse en termes d’organisation – présence médicale lourde, acheminement du ravitaillement par hélicoptère, notamment – ce qui est déjà une prouesse. Les athlètes ne se rendent pas nécessairement compte des coûts d’une organisation. 80 €, cela correspond souvent au tarif d’un triathlon M en métropole. D’autant que nous offrons divers goodies. Une ceinture porte-dossard, un t-shirt finisher magnifique, une médaille remise à 3000 mètres, un bonnet de natation, tout cela floqué avec notre beau logo et nos couleurs. 

« Tout sportif entraîné terminera la course. Aucun inscrit n’a jamais abandonné. (…) Aucun écueil, que des défis à dépasser dans la joie et la solidarité. »

Des champions de renommée internationale semblent déjà intéressés…

Oui. Je peux évoquer la possible présence d’incroyables champions comme le cycliste Warren Barguil, le vététiste double champion olympique en 2004 et 2008 (record) et quintuple champion du monde, Julien Absalon ou encore Kilian Bron… Autant de légendes de leur sport, et sans doute quelques triathlètes pros également. Cela peut contribuer à un moment d’échange et de convivialité très chouette. Encore une fois, ce rêve accessible ne pourra se réaliser que si un partenaire trouve un intérêt à nous aider. En toute transparence, je peux préciser que les aides cumulées de la Région et du Département atteignent 2 000 €. C’est notre seule aide financière. Vous jugerez de son importance… Notre budget est sinon exclusivement réduit au prix d’inscription des athlètes. À noter que l’IRT, Ile de la Réunion Tourisme, nous a largement aidés l’an dernier en invitant des journalistes à couvrir l’événement. Sans leur aide, aucun reportage ni couverture de l’événement n’aurait été possible. Je remercie d’ailleurs infiniment Trimax Magazine de croire en notre course. 

Au départ du lagon Saint-Pierre, les écueils ne manqueront pas jusqu’au Piton des neiges, le véritable juge de paix…

En fait, réellement, il n’y aucun piège. Tout sportif entraîné terminera la course. Aucun inscrit n’a jamais abandonné. Nager au milieu des coraux et des poissons multicolores n’est pas un écueil si on ne prétend pas défier les roches aiguisées sous-marines 🙂 Monter jusqu’à Cilaos se fait par palier et il faut penser à bien s’alimenter et s’hydrater, car en décembre c’est l’été à la Réunion, mais cela reste une montée tout à fait accessible. Vient ensuite la montée du Piton des Neiges, raide c’est vrai, mais tout coureur peut être accompagné d’un “pacer”, ce qui évite que la montée ne devienne un calvaire. Surtout, l’ambiance est d’une convivialité incroyable, tout le monde est solidaire, se parle, s’encourage. On est très loin de quelques mauvaises habitudes et surprenants comportements que l’on peut croiser sur notre vieux continent. Aucun écueil, que des défis à dépasser dans la joie et la solidarité.

Pour autant, cette épreuve n’est pas forcément décrite comme extrême, comme l’expliquez-vous ?

Précisément pour les raisons que j’ai évoquées et parce que le temps total de course n’est pas excessif. Aussi parce que la montée de Cilaos est ponctuée de quelques moments de répit, et parce que gravir le Piton des Neiges entouré(e) des siens et de concurrents conviviaux est avant tout un moment de partage. Peut-être aussi un peu parce que l’on réussit à instaurer une ambiance sereine et apaisée 🙂 que l’on ne rencontre pas forcément sur toutes les courses.

Fédératrice, elle dépasse aussi le simple cadre sportif en réunissant les triathlètes locaux, mais aussi les clubs d’autres régions. Parlez-nous de la philosophie que vous défendez sur la 0-3000 ?

On cherche simplement à offrir le meilleur : une expérience inédite, dans un cadre sublime, bercée dans une ambiance conviviale. La 0-3000 ne génère quasiment aucun bénéfice financier, mais nous en sortons tous enrichis humainement. La 0-3000, c’est passer de 0 à 3000 mètres, du lagon au Piton, mais c’est aussi s’élever humainement. La philosophie serait donc sportivo-spirituelle (rires).

« Je suis davantage excessivement frustré par le potentiel non exploité de cette course que par la petite satisfaction de l’avoir fait naître (…) Je rêve d’un ou deux partenaires privés, pour pouvoir combler les athlètes d’encore plus de cadeaux et de confort, pour les recevoir dans les conditions dignes qu’impose la grandeur de la 0-3000. »

Un enchainement de 1500 m de natation, 45 km de vélo vers Cilaos et 20 km de trail, cumulant ainsi du lagon au piton plus de 3000 m de dénivelé, la jeunesse réunionnaise semble prête à relever le défi. Plus de 300 athlètes étaient sur la ligne de départ en 2019 avec une victoire d’Olivier Lamarque lors de la 1ère édition, quelles sont vos attentes en termes d’affluence 3 ans plus tard ?

L’an dernier il y avait plus de 400 participants, lors d’une année pourtant entachée par le Covid. Je pense qu’on peut donc atteindre les 700 coureurs assez rapidement. Nous laissons un prix d’inscription très abordable à 80 €, pour faciliter à tous l’accès à cette course inédite. Et les billets d’avion début décembre sont à des prix très raisonnables.

Ce coup de folie, comme vous l’avez décrit à sa création, n’est-il pas en passe de devenir un coup de maître ?

Je me garde vraiment d’être envahi par un quelconque sentiment d’autosatisfaction. Je suis davantage excessivement frustré par le potentiel non exploité de cette course que par la petite satisfaction de l’avoir fait naître. N’attirer aucun partenaire privé intéressé par la visibilité exceptionnelle qu’offre la 0-3000 est un échec lourd à porter.

Quelle est, aujourd’hui, votre plus grande fierté en qualité de président du club Triathlon Réunion, organisateur de l’épreuve ?

Je n’ai aucune fierté, je ne me couche jamais fier, mais toujours en quête de nouvelles idées, de nouvelles pistes, de sources d’amélioration. Ce qui est particulièrement éprouvant d’ailleurs, je vous assure (rires). J’adorerais être fier de moi et dormir comme un bébé, rempli de suffisances et de rêves bleus. Mais je ne suis pas fier, car nous sommes un petit sport, un petit club, et je ne suis qu’un petit bonhomme de passage, comme nous tous. Et puis surtout, je ne suis pas seul. Sans Catherine, Laura, Alain, Fred, Philippe, Olivier, Christelle et Yannick notamment, la course n’existerait pas. Néanmoins, organiser la 0-3000 sans budget partenaire privé, construire un club qui regroupe des licenciés de partout, de la Réunion et d’ailleurs, être le club de toutes les régions et d’une seule passion, proposer la licence FFTri la moins chère de France à 75 €… Je ne sais pas si c’est réellement vrai, mais j’aime à la répéter : c’est quand même pas mal !

On ressent pourtant de la fierté…

Si je devais être fier de quelque chose, c’est qu’il y a 10 ans j’emmenais une jolie petite blondinette faire des footings avec moi, et qu’aujourd’hui c’est une athlète accomplie. Marjolaine Pierré, ma fille, est une personne solaire qui ravit tous ceux qui ont la chance de la côtoyer au quotidien. Quand vous êtes seul, un peu perdu, dans la nuit noire, tiraillé entre divorce, cancer, batailles pour défendre votre club et votre philosophie du développement du triathlon à la Réunion, vous vous rattachez forcément à la lumière salvatrice qui scintille auprès de vous. Dans la nuit, pour se guider, on s’aide de la lumière des étoiles. Marjolaine est mon étoile.

Que peut-on vous souhaiter pour le 3 décembre prochain ?

De l’argent ! Vous allez trouver cela obsessionnel, mais il faut bien se rendre compte que la 0-3000 ne bénéficie pas d’un seul centime de partenaires privés, donc je rêve d’un ou deux partenaires privés, pour pouvoir combler les athlètes d’encore plus de cadeaux et de confort, en fait simplement pour les recevoir dans les conditions dignes qu’impose la grandeur de la 0-3000. Je ne souhaite rien pour moi, mais un peu d’aide pour combler les coureurs. Et pour offrir à la Réunion et au triathlon réunionnais un reportage inédit sur l’Équipe TV. 

L’essentiel :

Samedi 3 décembre 2022

St Pierre, La Réunion

  • La 0-3000 : 1500 m natation / 45 km de vélo et 1800 m d+ / 20 km de trail et 1800 m d+
  • La 0-2000 : 1500 m natation / 45 km de vélo et 1800 m d+ / 10 km de trail et 200 m d+
  • En individuel ou en relais
  • Chaque format est possible en duathlon

Inscriptions : https://urlz.fr/hud0