Interview réalisée par Cédric Le Sec’h parue dans le magazine 210 (novembre 2021)

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Adoubé par le mythe le 15 août 2021, Léon Chevalier a éclaboussé de toute sa classe et sa maestria l’Embrunman. Une victoire qui n’est pas restée sans lendemain. Le Français vient en effet tout juste de remporter l’Ironman Mallorca, en moins de 8h… Une saison 2021 impressionnante, deux qualifications aux championnats du monde Ironman et des résultats probants qui braquent à présent les projecteurs sur celui qui devient une solide référence sur longue distance. Mais d’où sort ce Chevalier ? Quelle est sa quête ? Entre un burger de récup’ et un vol de retour chez lui en Angleterre, nous avons pu nous entretenir avec l’athlète, conscient du travail à fournir, à la hauteur de ses ambitions.

Léon, d’aucuns t’ont découvert cette année sur le circuit longue distance grâce à tes performances en 2021, mais cela fait plusieurs années que tu arpentes les parcs à vélo. Quel est ton parcours dans le triathlon ?

C’est un parcours peut-être un peu différent de celui qu’on attend des élites. Notamment du côté de la courte distance. Les olympiens ont tous été champions de France minimes, cadets, juniors etc. Avec un encadrement de la Fédération sur le circuit fédéral. Moi, j’ai un peu fait mon petit bonhomme de chemin, en m’entrainant sans plus, mais en me faisant plaisir avant tout. J’ai commencé à Versailles Triathlon et j’ai bougé à Palaiseau quand le projet de duathlon est né. Ça me convenait car je n’étais pas très bon en natation ! Et avec le lycée, je n’avais pas forcément plus de temps à y consacrer. Mais j’ai continué à m’entraîner de plus en plus. En terminale, je devais tourner aux alentours de 6h par semaine, entre 10 et 15h à l’université, puis ensuite 20h. Et depuis l’année dernière, avec Cheetham Coaching, je m’entraîne vraiment sérieusement.

Cela porte ses fruits puisque tu fais 11ème au Challenge Gran Canaria en mars, 2ème à l’Eton Dorney Triathlon en juin, 3ème sur l’Ironman UK et 2ème du L de l’Alpe d’Huez en juillet, puis victoires sur l’Embrunman en août et sur l’Ironman Mallorca en octobre, avec une 2ème place sur le Triath’long de Royan entre les deux… Chronologiquement, ta saison 2021 est fantastique et reflète une montée en puissance impressionnante. T’attendais-tu à un tel niveau de performance ?

Je me suis toujours dit que j’avais le potentiel de faire de tels résultats. Mais la réalité est toujours un peu différente de ce que l’on peut envisager. Cet hiver, quand j’ai commencé avec Rob de Cheetham, j’ai vu que je m’entrainais bien et ça me laissait envisager de bons résultats. Et en fait, sur le Challenge Gran Canaria, ce n’est pas le résultat que j’espérais. La natation que j’ai effectuée ne m’a pas permis de jouer plus haut au classement, mais le reste de la course m’a donné confiance pour la suite de la saison. Quand je m’aligne sur une course, je sais maintenant que je peux jouer à l’avant. Sauf finalement sur l’Ironman Mallorca, où j’étais un peu criblé de doutes car il y avait quand même un très gros plateau ! Mais quand je vois ce que je peux faire à l’entraînement, je me dis “pourquoi pas ?!” car je travaille beaucoup et il n’y a pas de raison que je ne puisse pas le faire en course.

« La double qualif’ aux championnats du monde Ironman ? La perspective d’un hiver studieux ! »

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Peut-on du coup parler d’année de révélation sur longue distance ?

Si on m’avait dit en début d’année que d’ici la fin de saison, je serais qualifié pour les deux prochains championnats du monde Ironman, je n’y aurais pas forcément cru. Ni de gagner Embrun ! Alors c’est vrai que c’est un peu la saison “parfaite” et j’espère que ça ne sera pas la seule ! (rires). Mais révélation ? Je pense plutôt au niveau du public français et un peu international, notamment avec ma victoire sur l’Ironman Mallorca ce weekend (ndlr : 16 octobre, interview réalisée le 18). Pour moi-même, je pense plutôt à la confirmation des ambitions que j’avais, et des convictions de mon entourage qui étaient encore plus fortes que les miennes. Et ça, pour moi, ça a fait la différence.

La cerise sur le gâteau, c’est effectivement une double qualif’ pour les championnats du monde Ironman en 2022 : à St George en mai et à Kona en octobre. Qu’est-ce que cela représente pour toi ?

La perspective d’un hiver studieux ! (rires) En fait, quand j’ai regardé les championnats du monde Ironman 70.3 qui avaient lieu à St George, j’avais l’impression de louper quelque chose. Ce n’était pas pour moi une possibilité de faire cette course car je n’ai jamais couru de 70.3 labellisé Ironman, mais cela m’a vraiment donné envie d’y aller. Je pense que c’est un parcours qui peut me correspondre. J’ai l’opportunité de faire deux championnats du monde la même année, dont un qui ne sera pas à Kona. Et je pense qu’il n’y en aura pas beaucoup. On verra, mais la victoire à Majorque me donne encore un peu plus de confiance pour viser les meilleures places sur ces deux courses.

Et quelles sont justement tes ambitions sur ces deux courses ?

La première ambition sur ce type de course, c’est déjà de faire une course complète, à son niveau, sans pépin et sans regret. Après, le jour J, s’il y en a douze qui sont plus forts que moi et que j’ai tout donné, ça sera comme ça, c’est le sport. Je sais néanmoins que c’est une course où si tout va bien pour moi, je n’ai pas forcément de limites à me fixer, même s’il faut que je travaille sur le marathon… et la natation ! Il y a encore beaucoup de travail avant d’y aller entièrement confiant.

« Embrun, j’avais tout mis dedans depuis très longtemps. De l’emporter et de concrétiser, c’est une énorme satisfaction. »

Il est certainement difficile de ne retenir qu’une course sur cette saison, mais sur laquelle en particulier as-tu la sensation d’atteindre le “Graal” ?

Il y a une course qui m’a marqué, c’est le Triath’long à Royan. La grosse bagarre avec Bart Aernouts m’a donné beaucoup de confiance. J’ai vu que je pouvais batailler à vélo et à pied avec un des meilleurs mondiaux, un gars qui fait podium à Kona (ndlr : 2e en 2018). Ça m’a permis de croire encore plus en mes capacités. Après, le “Graal”, on est toujours à sa recherche. Donc il faut attendre…

Au-delà d’un “Graal”, il y a un mythe que tu as remporté avec l’Embrunman. Victoire et record de l’épreuve à la clé en 9:28:18, 1er athlète sous les 9h30… Que ressent-on dans ces moments-là après 18 mois de prépa ?

(Il hésite, cherche ses mots) L’Embrunman, c’était vraiment une longue bataille. Comme tu le dis, 18 mois de prépa… Je n’avais que ça en tête, que ça en tête… Sur la fin de la course, il y a tout qui m’est revenu. Tous ces mois de préparation, tout ce que les personnes ont fait autour de moi et tout cet investissement. Il y avait beaucoup d’émotion à ce moment-là. Si je compare avec la victoire à Majorque, épreuve que je n’ai préparée que depuis deux mois, c’est vraiment différent comme sensation à l’arrivée. Embrun, j’avais tout mis dedans depuis très longtemps. De l’emporter et de concrétiser, c’est une énorme satisfaction.

« C’est bon de se dire qu’il y a d’autres très bons athlètes qui pensent que je suis potentiellement un danger pour eux ! C’est un signe de reconnaissance. »

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En 2022, tu auras maintenant la pancarte sur le circuit longue distance, comme on dit. Est-ce une pression supplémentaire pour confirmer et rester au top ?

Oui, c’est sûr que dès qu’on a des résultats, il y a plus d’attente. En même temps, je ne me fais pas d’illusion, je sais que je suis loin d’être un des meilleurs mondiaux. J’aurai peut-être une pancarte sur le dos, mais cela veut aussi dire que j’ai gagné de l’estime et de la légitimité sur le circuit. Et c’est bon de se dire qu’il y a d’autres très bons athlètes qui pensent que je suis potentiellement un danger pour eux ! C’est un signe de reconnaissance.

À tout juste 25 ans, tu performes déjà sur longue distance, mais quels sont les changements que tu comptes apporter pour être encore meilleur ?

En vrai, je ne pense pas qu’il faille faire de changements ! (rires) À mon avis, il faut juste continuer à faire ce que l’on fait. On sait que pour l’instant, ça marche et qu’il faut juste donner le temps au temps. Pas mal d’athlètes performant sur le tard sur longue distance, mais c’est parce qu’ils ont des années et des années d’expérience. On ne peut pas prendre tous les raccourcis du monde. Il faut être patient, continuer à travailler tout en sachant que ce que l’on fait va dans la bonne direction. Faire des changements si jamais je m’ennuie ou si on sent qu’il faut en faire, oui, mais pour l’instant il faut continuer à faire ce que je fais.

Quel sera du coup ton objectif principal en 2022 ?

Oh, je ne sais pas encore. Là, l’objectif principal, ça va être de rentrer à la maison et de rattraper les cours que j’ai loupés cette semaine ! Prendre un peu de repos et de recul sur cette saison, puis ensuite on pensera à l’année prochaine. J’ai le “luxe” (il insiste sur le mot) d’avoir les deux slots pour les championnats du monde Ironman l’an prochain et le “luxe“ d’avoir prouvé avec ma victoire à Majorque que j’étais légitime. Donc on verra pour l’an prochain. Pour l’instant, je n’y ai pas trop réfléchi.

Tu résides à Bath en Angleterre. Pourquoi ce choix ?

C’est parce que ma copine Florrie a déménagé en 2017 à Bath pour ses études. Quand je lui ai rendu visite à l’époque, j’étais étudiant à l’Insa Lyon, j’ai vraiment été impressionné par les infrastructures, par le campus, par l’esprit de groupe, l’accueil que j’ai reçu. Cela m’a vraiment donné envie d’y aller. Alors j’ai arrêté mon cursus à l’Insa et j’en ai commencé un autre à Bath en Chemical Engineering (ndlr : génie des procédés chimiques). Car j’ai le plan de faire un doctorat l’an prochain, je ne suis pas dans l’optique qu’il n’y ait que le triathlon.

Et le futur de Léon Chevalier, dans 5 ans, ça ressemblerait à quoi ?

Avec un peu de chance, un doctorat en poche, un pied dans l’ingénierie, continuer dans le triathlon et pourquoi pas être un des prétendants au titre mondial. Il ne faut pas se mettre de limites. Si on n’a pas d’ambitions, on ne peut jamais les réaliser. Donc d’ici 5 ans, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, il y aura beaucoup d’athlètes à battre, certains que l’on connaît déjà et d’autres qu’on ne connaît pas encore. Mais si dans 5 ans on me considère comme potentiellement un des gars pour la bagarre à Kona, ça sera déjà une bonne satisfaction.

L’interview décalée – 30
secondes full gas !

Ce que tu aimes le plus ? Les cookies Triple Belgian Chocolate de chez Sainsbury’s

Ce que tu détestes le plus ? Je dirais la natation, même si finalement ce n’est peut être pas vrai !

Ton film préféré ? Mommy, de Xavier Dolan.

Ta musique préférée  ? En ce moment, Noah Cyrus.

Ton astuce matos ? Du matos qui ne va pas casser en course !

Ton truc spécial “made in Léon” ? La roue lenticulaire : chaque parcours est un parcours de contre-la-montre ! (rires)

Ta devise ? « Always keep grinding » (Toujours continuer de bûcher)

Ton plus grand soutien ? Ma copine Florrie.