Article paru dans le magazine 205 _avril/mai 2021 /
Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Même si la saison de triathlon est d’ores et déjà en partie compromise, il est fortement recommandé de continuer à s’entraîner ! C’est pourquoi nous allons aborder un aspect technique spécifique au triathlon : la réalisation d’enchaînements.

Préambule

Être performant en triathlon repose sur plusieurs facteurs. Premièrement il existe de nombreux formats de course, allant du sprint (0,75/20/5) au full (3,8/180/42), en passant par les triathlons tout terrain. Le rapport intensité/durée étant différent, chaque format a, par conséquent, ses spécificités physiologiques et techniques. Deuxièmement, le triathlon requiert de maîtriser 3 disciplines complètement différentes : la natation, le vélo et la course à pied. Il existe cependant des habiletés transversales à ces 3 disciplines de base, notamment la puissance aérobie et l’économie. Troisièmement, le triathlon nécessite de bien appréhender les transitions qui constituent l’essence du ce sport. Ce que nous allons passer en revue dans cet article.

Les Transitions

En effet, la spécificité du triathlon réside dans l’enchaînement de 3 disciplines complètement différentes : la natation en eau libre, le vélo et la course à pied.  La transition Natation / Vélo est appelée transition 1 ou T1. La transition Vélo / Course à pied est appelée transition 2 ou T2

Pour ne pas être surpris le jour J, il convient donc de s’entraîner spécifiquement en s’habituant à enchaîner les sports. L’enchaînement simple et les multi-enchainements sont des séances particulièrement importantes pour qui veut optimiser ses transitions et améliorer son chrono final (lire notre article dans le numéro 196).

Un peu de Physiologie

Les effets physiologiques des transitions ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques, permettant ainsi de démontrer les répercussions du changement de mode locomoteur. En effet, l’impact physiologique de la natation n’a rien à voir avec celui du cyclisme, ni celui de la course à pied.

Lors de T1, la première transition, le corps passe d’une position horizontale à une position verticale puisqu’il faut courir jusqu’au parc à vélo pour y récupérer sa machine. Ce changement soudain de position entraîne une redistribution majeure du flux sanguin, perturbant ainsi le cerveau qui est le premier à être impacté. T1 s’accompagne donc assez régulièrement de vertiges plus ou moins prononcés, voire de nausées. Une fois sur le vélo, le travail musculaire change à nouveau en adoptant une position assise, semi-couchée. En outre, il n’est pas possible de s’hydrater ou de s’alimenter pendant la partie natation, ce qui peut potentiellement induire un état de déshydratation et une baisse de la glycémie en cas d’effort prolongé, comme lors d’un triathlon longue distance (1).

Lors de T2, la seconde transition, le triathlète passe d’une position assise à une position debout. Cette transition est la plus complexe à gérer. En effet, le triathlète passe d’un régime de contraction musculaire au niveau des membres inférieurs presque exclusivement concentriques lors du vélo, à un travail excentrique et pliométrique en running.
Une étude récente de Weich et al. (2) montre qu’il faut en moyenne 5 minutes à un athlète pour s’adapter au mouvement de la course à pied suite à la partie cycliste.

La technique des transitions

Sur le plan pratique, il est important de rappeler que l’utilisation d’une tenue type trifonction facilite grandement les transitions puisqu’il n’y pas à changer de vêtements entre les 3 disciplines. Dans la même logique, l’utilisation d’une ceinture porte dossard simplifie la tâche pour ce qui est du port du dossard.

Concernant la première transition, il est recommandé sur le plan chronologique de :

  1. Dégager les bras et le torse de sa combinaison dès la sortie de l’eau
  2. Enlever son bonnet et ses lunettes après avoir dégagé les bras
  3. Courir à la zone de transition et trouver son vélo (ou son sac de transition)
  4. Boire un peu d’eau ou de boisson énergétique dès que possible
  5. Enlever complètement sa combinaison en dégageant les jambes
  6. S’équiper en prenant soin de courir pieds nus ou en chaussettes jusqu’à la sortie du parc à vélo
  7. Enfiler ses chaussures de vélo (l’utilisation de chaussettes n’est pas indispensables sauf si vous êtes sensible des pieds : ampoules, échauffements)

Concernant la seconde  transition, il est recommandé de :

  1. Boire une dernière fois avant d’arriver au parc à vélo
  2. Poser son vélo dans son rack puis enlever ses chaussures de vélo
  3. S’asseoir
  4. Ranger son casque et ses chaussures de vélo
  5. Enfiler ses chaussures de course à pied
  6. De ne surtout pas courir trop vite au début. Se laisser 5 bonnes minutes pour trouver son rythme.

Comment s’entraîner aux transitions ?

  1. L’enchainement simple natation – course à pied est assez simple à organiser. Il suffit en effet de ponctuer une série de natation par 1 ou plusieurs tours de piscine en petite foulée. À la belle saison, vous pouvez même organiser ce type de séance en mer ou en lac.
  2. L’enchainement simple vélo – course à pied est très important car il s’accompagne de répercussions physiologiques importantes. Il est recommandé de s’entraîner au moins une fois par semaine à enchaîner vélo et course à pied. 2h de vélo suivi de 30 minutes de course à pied par exemple. Dans la même idée, il n’est pas interdit de ponctuer ses séances de vélo par un petit footing de 15 à 20 minutes par exemple.
  3. Le multi-enchainement est une méthode beaucoup plus intensive que l’enchainement simple ! En effet, le fait de découper un enchainement simple en une succession d’enchainement augmente la contrainte physiologique et mentale de manière considérable.  Ainsi, enchainer 2h de vélo avec 1h de course à pied est moins dur que de faire 2 x (1h de vélo suivi de 30 minutes de course à pied), qui est moins dur que de faire 4 x (30 minutes de vélo suivi de 15 minutes de course à pied)…  Bien que dédié aux athlètes spécialisés dans le courte distance, tous les triathlètes peuvent retirer un grand bénéfice de ce type de séance…
  4. Le “Big Day” est un grand classique pour les athlètes longue distance. Le Big Day consiste à simuler l’enchaînement triathlétique en faisant 80% de la distance prévue le jour J, à environ 3-4 semaines de l’objectif. Ainsi un Big Day pré-full distance consiste à :
  • nager 3 km le matin
  • pédaler 150 km en milieu de journée
  • courir 25-30 km en fin de journée

Entre chaque sport, il est conseillé de se changer rapidement, puis de prendre le temps pour avaler une collation. L’idée n’est donc pas d’enchainer le plus vite possible les 3 sports sous peine de s’épuiser et de ne pas avoir le temps de récupérer avant l’objectif.

Conclusion

L’entraînement aux transitions est indispensable pour qui veut se préparer à un triathlon. En période de préparation spécifique (à l’approche des compétitions), il convient de réaliser une à deux fois par semaine des séances incluant des transitions. Le retour sur investissement sera très rapide car les transitions peuvent générer une grande “perte de temps” pour qui n’est pas habitué à se changer vite et à enchaîner rapidement avec le sport suivant. Encadré :

L’enchaînement crossfit

En période d’intersaison, il est très intéressant de réaliser des séances de gainage / renforcement musculaire sous forme d’enchaînement avec les sports spécifiques du triathlon. Les possibilités sont infinies !

Voici 3 exemples :

  • 15’ de vélo en échauffement / 3 circuits de gainage / 15’ de course à pied en décontraction
  • Renforcement axé natation (élastiques) / 10’ vélo en position aéro / 3 circuits de renforcement général / 10’ course à pied rapide / 5’ course à pied en décontraction
  • 20’ footing / 3 x (1 circuit de renforcement musculaire (squats, fentes, pompes, tractions) suivi par 5’ de vélo allure soutenue) / 20’ footing en décontraction

Références 

Physiological adaptation during short distance triathlon swimming and cycling sectors simulation. González-Haro C, González-de-Suso JM, Padulles JM, Drobnic F, Escanero JF. Physiol Behav. 2005 Nov 15;86(4):467-74. Epub 2005 Sep 19.

Triathlon transition study: quantifying differences in running movement pattern and precision after bike-run transition. Weich C, Jensen RL, Vieten M. Sports Biomech. 2017 Nov 15:1-14.