Article paru dans le magazine 203 _janvier-février 203 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)
La blessure est probablement le pire problème que doit gérer un sportif. Quelle que soit la blessure, cela met un coup d’arrêt à sa saison, sa passion (amateur) ou son métier (pro). Anticiper et prévenir les blessures est donc un objectif majeur pour tous les athlètes.
Genèse d’une blessure
L’anticipation n’est pas une démarche habituelle pour l’espèce humaine. Et pourtant, cela permet d’éviter bien des problèmes ! En matière de blessure sportive, il ne faut pas confondre blessure accidentelle et blessure par sur-sollicitation. Les premières surviennent généralement de manière inattendue dans le cadre sportif ou dans un autre cadre (professionnel, domestique…). Les secondes arrivent progressivement après des sollicitations sportives un peu trop importantes.
Quoi qu’il en soit, une blessure, quelle que soit son origine, n’arrive jamais par hasard. Elle est toujours le fruit d’un état de stress. La blessure oblige alors au repos ou à la réduction de l’entrainement afin de permettre au corps de retrouver un état d’homéostasie. Il convient donc de percevoir la blessure comme un mécanisme de régulation qui oblige l’athlète à se reposer physiquement et mentalement !
Les différents types de blessures
1- Les blessures tendineuses (tendinopathies)
Chez les sportifs, les blessures les plus courantes sont les blessures tendineuses ou musculo-tendineuses. Les tendons sont des structures fondamentales dans le mouvement. Sans tendons, les mouvements articulaires sont impossibles ! Le tendon est donc l’une des pièces maîtresse du mouvement. Et comme toute pièce maitresse, il est soumis à des contraintes mécaniques majeures. Parfois, il se met à dysfonctionner comme lorsque la contrainte est trop importante, trop soudaine. Les tendinopathies surviennent donc essentiellement lorsque la charge d’entraînement est inadaptée, excessive. Le tendon s’enflamme alors, obligeant à réduire la charge.
Les tendinopathies sont favorisées/amplifiées par :
- Un matériel inadapté ou mal réglé
- Le stress psychologique
- La déshydratation
- Une alimentation trop acide et/ou pro-inflammatoire
Parmi les tendinopathies les plus fréquentes chez les triathlètes, on peut citer :
- Les tendinites de l’épaule qui surviennent essentiellement en natation
- La tendinite rotulienne qui touche l’extrémité distal du quadriceps (sous la rotule), qui survient en vélo
- Le syndrome de l’essuie-glace qui touche l’extrémité distal du Tenseur du Facia-Lata ou TFL (face externe du genou) qui perturbe principalement la course à pied
- La tendinite d’Achille au niveau du talon d’Achille qui survient principalement en course à pied
On voit donc que le genou est une articulation particulièrement sensible chez les athlètes car cette articulation est active dans les trois sports.
2- Les blessures musculaires
Les blessures musculaires se caractérisent par la rupture partielle ou totale des fibres du tissu musculaire. Les causes sont assez similaires aux tendinopathies : excès d’entraînement, manque de progressivité, matériel inadapté. Néanmoins, les blessures musculaires surviennent presque toujours lors de la réalisation de mouvement de puissance maximale auquel le muscle n’est pas habitué. L’exemple typique est le match de foot entre copains alors que l’on a plus tapé dans un ballon depuis 10 ans. La sanction peut être immédiate, même si on est un excellent triathlète !
On peut distinguer 3 stades dans les blessures musculaires :
- la contracture (spasme musculaire qui ne passe pas)
- La déchirure (rupture partielle de fibres musculaires)
- Le claquage (déchirure totale des fibres)
3- Les blessures osseuses
Les blessures osseuses sont la plupart du temps liées à un impact, donc à une chute en vélo ou en course à pied.
Cependant, il y a deux cas particuliers :
- la périostite qui correspond à une inflammation aiguë de la partie externe de l’os (le périoste). Les périostes des tibias des coureurs à pied et des triathlètes sont particulièrement sensibles.
- L’arrachement osseux au niveau d’une insertion tendineuse ou ligamentaire.
Ces deux cas particuliers sont généralement induits par un excès de contraintes d’entraînement…
Comment prévenir et éviter une blessure ?
L’intersaison est un
moment idéal pour faire le point sur ses forces, et surtout ses faiblesses. Si
vous êtes un(e) triathlète “fragile”, fréquemment sujet aux blessures ; si vous
sentez que vous êtes “à risque” dès que la charge d’entraînement augmente,
alors profitez de cette période plus calme pour faire un point médical complet.
Rendez visite à votre médecin du sport, votre kiné, votre ostéopathe ou tout
autre spécialiste pour évaluer votre état de santé et consolider vos
fondations.
Concrètement, la prévention de 80% des blessures passe par les aspects suivants :
- 1- L’échauffement
il est indispensable avant CHAQUE séance, surtout s’il fait froid (facteur favorisant les tendinopathies). Pour qu’une structure musculo-tendineuse fonctionne de manière optimale, il est nécessaire que la température corporelle augmente de manière significative.
– En natation, commencez vos séances par 5 à 10 minutes de mobilisation
articulaire, puis enchainez par quelques mouvements musculaires à sec (squats,
fentes, pompes, dips…).
– En vélo, débutez systématiquement vos séances sur le petit plateau et
“moulinez” à une cadence supérieure à 90 rpm pendant 15 minutes pour échauffer
progressivement vos articulations. Bref, évitez de rouler en force, et préférez
la vélocité (cadence de pédalage > 70 rpm en côte et > 90 rpm sur le
plat).
– En course à pied, débutez vos séances par 5-10 minutes de mobilisations articulaires. Ensuite, essayez de réduire l’impact de la foulée en déroulant le pied, voir en attaquant par la pointe de pied.
- 2- L’hydratation et la nutrition
Les tendons sont des structures fibreuses très sensibles à l’état d’hydratation de l’organisme. Il convient donc de s’hydrater très régulièrement par petites quantités pour prévenir les tendinites. La quantité dépend de l’activité et de la température (entre 1,5 et 3L). Un seul objectif : avoir des urines claires tout au long de la journée. Si vous êtes sensible aux tendinites, essayez de réduire les aliments acidifiants comme, l’alcool, le café ou le thé noir, la viande rouge, les fromages, les produits laitiers de la vache, les sodas, les sucreries. À l’inverse, il convient d’augmenter les aliments alcalins c’est à dire principalement les fruits et les légumes, les graisses riches en Oméga-3 (maquereaux, sardines, saumon, huiles de colza et de noix).
- 3- L’hygiène bucco-dentaire est fondamentale en prévention des blessures inflammatoires
Une mauvaise santé dentaire (caries ou autres) est une source d’infections pour l’organisme. Un bilan dentaire annuel est indispensable pour tout athlète. Le brossage des dents 3 fois par jour très efficace. En outre, n’utilisez pas de boisson glucidique à chaque entraînement, uniquement sur les séances longues/dures. Vos dents apprécieront.
- 4- Le matériel
En triathlon, le matériel peut avoir une incidence majeure sur la survenue de technopathies (NDR : les pathologies induites par le matériel). Attention aux plaquettes en natation, prenez le temps de bien vous échauffer et soyez progressif dans la taille des plaquettes et leur temps d’utilisation… surtout si vous êtes “néo-nageur”. En vélo, soignez les réglages relatifs à la position sur votre vélo en ayant recours à un spécialiste de l’ergonomie. La réalisation d’une étude posturale est un incontournable à chaque saison et à minima à chaque nouveau de vélo. En course à pied, prenez le temps de bien choisir vos chaussures de running avec un spécialiste. Testez vos chaussures et si vous ne vous sentez pas bien dedans, changez de marque ou de modèle. Si vous êtes sensibles, utilisez plusieurs paires de chaussures et changez-en d’une séance à l’autre.
- 5- La Posture
En cas de déséquilibre postural, les chaînes musculaires sont mises en tension de façon déséquilibrée. Avec l’entraînement, un surmenage s’instaure jusqu’à pouvoir déclencher des lésions tendineuses. La “porte d’entrée” peut être une cicatrice proéminente, une asymétrie oculaire ou mandibulaire, un problème de statique au niveau des pieds… Consultez un posturologue pour entamer un travail de fond.
- 6- L’Entraînement
La prédation physique générale (PPG) est aujourd’hui unanimement plébiscitée par les préparateurs physiques. Il faut en faire tout au long de l’année de manière plus ou moins poussée. Quelques exemples :
- L’amélioration de la force du tronc (gainage) vous sera extrêmement bénéfique dans les 3 sports, en particulier pour éviter les problèmes vertébraux.
- En natation, insistez sur le renforcement aux élastiques des muscles rotateurs externes d’épaule (infra-épineux et petit rond) en faisant un travail aux élastiques. Vos épaules apprécieront !
- En course à pied, travaillez la force et l’équilibre de vos jambes pour gagner en stabilité (stability training).
Au-delà de la pratique des 3 sports, l’incorporation d’une ou deux séances hebdomadaires de pilates et de yoga ne peut que contribuer à prévenir les blessures. En effet, ces deux activités permettent de travailler de manière concomitante le gainage, la souplesse, l’équilibre et la respiration. Des qualités dont manquent nombre de triathlètes !
Comment soigner une blessure ?
La survenue d’une blessure, qu’elle soit tendineuse, musculaire ou osseuse, nécessite en général un allègement de la charge d’entrainement.
Dans un premier temps, il convient de cesser toute activité générant de la douleur. En effet, notre corps est très bien fait et la douleur aiguë est le meilleur indicateur qui soit pour signaler que quelque chose ne va pas. Il est possible de maintenir un entraînement adapté et allégé pour peu qu’il ne génère pas de douleur. Bien entendu, il ne faut SURTOUT PAS FORCER SUR UNE DOULEUR !
Dans un second temps, le glaçage peut soulager le syndrome douloureux (et l’inflammation souvent associée).
Dans un troisième temps, il convient de consulter dans cet ordre précis :
- Son médecin du sport pour un examen clinique approfondi et établissement d’un diagnostic précis
- Faire des examens complémentaires si votre médecin le juge utile (radiographie, échographie, IRM…)
- Consulter son ostéopathe si besoin. En cas de chute lourde à vélo ou à pied, le “passage au marbre” par votre ostéo est particulièrement recommandé !
- Soins kiné si prescrits par le médecin.
Attention à l’automédication ! Les antalgiques masquent la douleur, effaçant en conséquence le signal de la douleur, permettant ainsi le maintien de l’entraînement. C’est un leurre ! Même problème avec les anti-inflammatoires (AINS ou cortisone). Faites confiance à votre médecin du sport.
L’expert vous répond
« Comment reprendre après un syndrome de l’essuie-glace ? »
Le syndrome de l’essuie-glace ou tendinite du Tenseur du Fascia Lata (TFL) est une blessure très handicapante du fait de sa localisation au niveau du genou. Le repos total n’est plus du tout considéré comme LA solution unique pour gérer ce genre de blessure. Tous les spécialistes de la prise en charge des sportifs blessés (médecin, coach, kiné…) considèrent que la reprise rapide d’un entraînement adapté est indispensable pour limiter le déconditionnement physique et la décompensation psychologique ! Dans le cas d’un syndrome de l’essuie-glace, la natation (sans les jambes) et la musculation du haut du corps sont les activités les plus recommandées. La pratique du vélo est envisageable pour peu qu’elle ne génère pas de douleur pendant et après la séance. Sur le plan des soins, le passage chez l’ostéopathe, le dentiste et le médecin spécialiste de traumatologie du sport est impératif. Quelles que soient les préconisations médicales, il faut être patient et raisonnable car la guérison est souvent longue.