Article paru dans le magazine 197 _ juillet 2020 / Rédigé par Simon Billeau

Berd est une marque américaine spécialisée dans la fabrication de rayons les plus légers de l’industrie cycliste. Les rayons… laissez-nous vous convaincre d’attacher plus d’importance à ce parent pauvre. Car on n’accorde que très peu ou pas d’importance aux rayons d’une paire de roues lorsque l’on s’offre une nouvelle monture. Cependant, ces derniers sont un composant essentiel de la plus belle invention humaine, la roue.

Peu d’entre nous connaissent le fonctionnement d’une paire de roues. On sait qu’elles sont constituées de plusieurs éléments. Mais il faut comprendre que nos roues de vélo sont des pièces relativement complexes, de par leur assemblage et leur fonctionnement. Nous allons donc succinctement vous décrire la composition d’une paire de roues et son fonctionnement.

Commençons par lister les 4 pièces principales constituant une paire de roues :

  • le moyeu est l’élément qui permet à la roue d’effectuer sa rotation autour de l’axe,
    • la jante est le cercle sur lequel vient se monter le pneu,
    • les rayons et les écrous sont les composants qui permettent d’assembler le moyeu et la jante.

Le moyeu et la jante permettent de maintenir la géométrie circulaire et plane de la roue. Les rayons sont installés de telle sorte à éviter une déformation de la jante. Ils sont attachés à la jante via les écrous qui permettent de régler leur tension par vissage. Sans rentrer dans le détail du fonctionnement des moyeux, une roue doit d’abord rester circulaire durant sa rotation.

Comme dit précédemment, le fonctionnement est complexe. En effet, la jante travaille comme un arc. En d’autres termes, elle décharge son poids tout le long de sa circonférence. Pour que la jante parvienne à soutenir les charges qui lui sont appliquées sans (trop) se déformer, les rayons sont les premiers à entrer en jeu. Une tension précise leur est appliquée pour qu’ils puissent satisfaire toutes les exigences.

Les rayons travaillent en traction sur la partie supérieure de la jante. Sur la partie inférieure, ils travaillent plutôt en flexion. On parle alors de réaction à la charge. Cette réaction se produit dès lors qu’une charge radiale est appliquée sur le moyeu, comme le poids d’un triathlète… On comprend donc que des notions de rigidité et de durabilité sont au centre des préoccupations. Nous ferons à ce sujet une comparaison en temps voulu des rayons Berd avec la concurrence.

Maintenant que nous comprenons (mieux) le fonctionnement d’une roue, attachons-nous à l’intérêt de la légèreté d’un vélo, qui passe souvent au second plan de l’aérodynamisme. Car en triathlon longue distance ou sur toute épreuve sans drafting, on accorde beaucoup d’importance à l’aérodynamisme. En effet, pour combattre les forces à l’avancement, l’aéro est numéro 1 ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on attache autant d’importance à notre matériel. Cependant – et c’est maintenant bien compris de la communauté triathlétique – le positionnement revêt une importance primordiale dans cette recherche de réduction de la traînée, bien plus que le matériel. C’est le premier point.

Par ailleurs, des équipements aérodynamiques poussés à l’extrême sont parfois préjudiciables dans des situations de course particulières, comme un fort vent de travers irrégulier sur des jantes hautes. Et pour information, la roue avant a plus d’incidence sur la stabilité de l’ensemble “vélo-triathlète” et a également plus d’impact sur l’aérodynamisme. 

Quel est l’impact du poids du vélo ?

Le poids du vélo est souvent placé au second rang. Cependant, le poids a de nombreuses répercussions sur la performance, qui durant la partie cycliste d’un triathlon, est directement affectée par 3 types de résistances s’opposant au déplacement d’un triathlète :

  • les résistances aérodynamiques (traînée),
    • la résistance au roulement,
    • la force de gravité.

Sur le plat, la résistance aéro est responsable pour 90% de la performance, avec 80% de l’aéro directement liés à la position du triathlète. Mais lorsque la route s’élève (supérieure à 4% selon Jean-Paul Ballard, ingénieur aéro et patron de Swiss Side), plus le poids du triathlète et de son vélo est élevé, plus la résistance au roulement est importante. Enfin, la résistance due à la gravité est la force qui agit sur le centre de gravité d’un corps et qui attire tout objet vers le centre de la Terre. Cette résistance augmente avec le pourcentage de la pente et avec le poids de l’ensemble “homme-machine”. Vous l’avez donc compris, plus le poids du triathlète et de son vélo est élevé, plus la force de gravité à vaincre est élevée.

Et lorsque l’on veut réduire le poids global d’un vélo, on ne pense pas forcément aux rayons d’une paire de roues. Cependant, il est très aisé de faire des petits calculs et comparaisons. Généralement, une roue de vélo de route est composée de 16 à 36 rayons. Ce nombre de rayons est surtout défini en fonction du poids et des chocs que la roue doit supporter. La longueur d’un rayon, elle, varie en fonction de la hauteur de la jante ainsi que du nombre total de rayons.

Prenons 2 exemples de roues réputées :

Zipp 303 Firecrest boyau (1339g la paire)

Roue avant : 18 rayons Sapim CX-Sprint

Roue arrière : 24 rayons Sapim CX-Sprint

Poids d’un rayon CX-Sprint : 5,21g.

Poids total des rayons : (18+24) x 5,21 = 218,82g.

DT Swiss PRC 1100 Dicut Mon Chasseral (1266g la paire)

Roue avant : 24 rayons DT Aero Comp t-head

Roue arrière : 24 rayons DT Aero Comp t-head

Poids d’un rayon DT Aero Comp : 5,94g.

Poids total des rayons : (24+24) x 5,94 = 285,12g.

Sachant qu’un rayon Berd pèse 2,5g, voici ce que les roues Zipp et DT Swiss pèseraient avec des rayons Berd :

Zipp

Poids total des rayons avec Berd : 42 x 2,5 = 105g

Gain de poids : 218,82-105 = 113,82g

La paire de roue Zipp afficherait alors un poids de 1225g.

DT Swiss

Poids total des rayons avec Berd : 48 x 2,5 = 120g

Gain de poids : 285,12- 120 = 165,12g

La paire de DT Swiss afficherait alors un poids de 1100g.

D’aucuns pourraient argumenter qu’il n’y a pas que des rayons en acier inoxydable sur le marché. C’est vrai. Tentons alors brièvement de les énumérer, et de décrire leurs forces et faiblesses. Typiquement, les rayons les plus communément utilisés sont ceux en acier inoxydable, du fait d’une grande résistance, d’une bonne durabilité, d’une excellente résistance à la corrosion et d’un bas coût. Un rayon en acier inoxydable pèse environ 8g et il peut y avoir jusqu’à 64 rayons sur une paire de roues !

Pour réduire le poids, les rayons sont souvent construits avec une section plus étroite en leur milieu. Chaque rayon pèse alors entre 4 et 6g. Cependant, les constructeurs ne peuvent réduire davantage leur poids en raison des contraintes de résistance sous tension et de durabilité. Malgré ces efforts, les rayons représentent toujours une part significative du poids d’une paire de roues. Ainsi, les constructeurs ont tenté d’utiliser d’autres matériaux comme le titane, les fibres en plastique renforcé et d’autres polymères… Mais aucun de ces matériaux n’a réellement convaincu le marché. Le titane est en effet doté d’une mauvaise rigidité, d’un coût élevé et une durabilité limitée comparé à l’acier. Les fibres en plastique renforcé, comme les fibres de carbone, peuvent casser de manière “catastrophique”. En effet, lors d’un passage dans l’entreprise Lightweight en Allemagne, j’ai pu visiter l’atelier de réparation des roues. Et certaines roues endommagées, dotées de rayons en carbone, n’étaient tout simplement pas réparables…

Des rayons flexibles en polyéthylène ?

Comme les roues sont des éléments en mouvement, plus elles sont légères, moins il faut d’énergie pour produire une accélération. C’est le principe de l’inertie. En ce sens, les rayons Berd sont les plus performants dans des situations où les accélérations sont nombreuses et où la route est ondulée… Mais il y a plus ! Selon le constructeur, les rayons Berd sont fabriqués à partir d’un polymère avancé appelé polyéthylène à très haut poids moléculaire (UHMWPE). L’UHMWPE* a une résistance 12 fois plus grande que l’acier pour un poids donné ! Il a également une durabilité considérablement améliorée et est imperméable aux éléments. C’est ce qui fait des rayons Berd les rayons les plus légers, les plus solides et les plus durables jamais inventés. Et contrairement aux apparences, les rayons Berd sont plus rigides que les rayons en acier inoxydable.

*Ultra High Molecular Weight PolyEthylene

Côté conception, les rayons Berd utilisent des embouts avec un filetage de calibre 14 pour se connecter aux écrous standard, de la même manière que les rayons métalliques. À l’autre extrémité se trouve une boucle, qui est tirée à travers le trou du moyeu et fixée avec une tige. Les rayons Berd ont un diamètre de 1,8 mm.

Montage

Le montage est – soyons honnête – plus long car il y a une préparation minutieuse à faire. En effet, le polymère est très résistant. Cependant, il pourrait craquer si les trous des moyeux ne sont pas polis. Pour vous aider dans cette étape, lors de l’achat des rayons Berd, des outils sont également livrés. Il faut tout d’abord arrondir les trous des moyeux à l’aide d’une tête à polissage. Ensuite, il faut passer un rayon Berd à l’intérieur d’un trou à l’aide d’une petite tringle métallique. Une fois passée de l’autre côté, on écarte la boucle à l’aide d’un pointeur. Puis on introduit perpendiculairement un embout rigide. Cette étape est à effectuer autant de fois qu’il y a de rayons… Ensuite, on connecte la partie avec le filetage à l’écrou. À noter que les rayons Berd fonctionnent autant avec des écrous internes qu’externes à la jante. Il faut néanmoins étirer le rayon. C’est une différence notoire en comparaison d’un rayon en acier inoxydable. Le “tensionnage” prend également un peu plus de temps car l’étirement est plus important. Cependant, une fois tendus à la tension désirée, les rayons sont impressionnants de rigidité.

Je me suis d’ailleurs amusé à monter une roue personnalisée avec des jantes en carbone Edge Design à boyaux, des moyeux Extralite et les fameux rayons Berd spokes. Le résultat sur la balance est assez bluffant  : 840g la paire !

Cf photo « Edge 1 et 2 et 3 ».

Essai

Mais le poids sur le papier ne fait pas tout. J’ai donc essayé cette fameuse paire de roues en conditions réelles. Malgré quelques appréhensions infondées, je les ai absolument adoptées. Leur poids super réduit les rend diablement réactives. Il est aisé de répondre à une accélération d’un concurrent dans une course vélo ou un triathlon en drafting.  De même, lors de mes sorties longues en côte, je me suis pris au jeu de continuellement relancer l’allure, au point de parfois rentrer dans un état de “décomposition” avancée…

La 2è inquiétude, également infondée, se situait au niveau de la rigidité de ces rayons flexibles. Cette crainte a été très vite levée car les roues se comportent somme toute normalement sur des routes en bon état. Mais le plus étonnant, c’est leur capacité à absorber les chocs. L’Australie n’est  en effet pas réputée pour la qualité de son asphalte, relativement en mauvais état et composé de gros grains. Et bien les rayons Berd ont apporté beaucoup de confort sur ces routes endommagées. J’ai d’ailleurs contacté le fabriquant à ce sujet en lui demandant si une erreur avait été commise lors du montage. Sa réponse a confirmé mon ressenti : les rayons Berd amortissent les vibrations beaucoup plus efficacement que les rayons en acier. Il en résulte une conduite plus confortable et plus douce. Les graphiques ci-dessous montrent justement que les roues à rayons Berd offrent un amortissement des vibrations 200% supérieur à celui des rayons métalliques !

J’ai également questionné l’équipe Berd sur un sujet qui nous est cher : comment les rayons Berd affectent l’aérodynamisme de la roue. Ils ont en toute honnêteté avoué que les rayons Berd ne sont pas autant aéro que les rayons plats. Cependant, leur test en soufflerie les positionne très proches des rayons ronds de 2mm de diamètre. On peut donc en déduire que leur intérêt est réel, surtout lorsque les parcours sont vallonnés et/ou sinueux, avec du dénivelé ou des accélérations fréquentes.

Côté sécurité, une des questions qui se posait, du fait de leur aspect structurel, était de savoir comment les rayons Berd seraient affectés si par exemple la chape de dérailleur (mal réglée ou simplement non verticale du fait par exemple d’une patte de dérailleur tordue suite à un accident ou une chute du vélo sur le côté du dérailleur) entrerait en contact avec les rayons en rotation ? Y a-t-il un risque de rupture des rayons et donc un possible danger d’écrasement de la roue ? Berd a confirmé que ses rayons sont plus résistants à l’abrasion que les rayons en acier. Pas d’inquiétude de ce côté donc. Le seul moyen pour entraîner la rupture des rayons Berd serait d’avoir deux surfaces tranchantes qui entrent en contact, un peu comme des ciseaux.

Prix et style

Côté style, il convient de noter que les rayons sont disponibles en noir ou blanc. Nous avons opté pour la couleur blanche pour donner un peu d’originalité à cette paire de roues customisée. Qui plus est, de par la composition de leur polymère, ces rayons sont quasiment imperméables aux tâches et bien plus résistants à l’abrasion. Ce qui est un gage de conservation de leur couleur blanche pendant une très longue période.

Côté prix, sachez que les rayons Berd coûtent US$8 (environ 7€) par rayon. Il faut connaître le type de moyeu dont vous disposez puis utiliser le calculateur de rayons disponible sur le site internet de Berd. Dans le doute, Charlie et son équipe sont très efficaces pour vous assister.

À noter que cette paire de roues, avec les rayons Berd, sera utilisée en compétition sur l’Embrunman 2020 ou 2021 !

Plus d’informations sur leur site internet :

https://berdspokes.com/

Crédits Photos : Droits Réservés (Simon Billeau et site internet Berd)