PAR PIERRE MOULIÉRAC
Même s’il n’aime pas la dénomination de « champion du monde » réservée à Jan Frodeno cette année, le Français Anthony Philippe, en remportant sa catégorie d’âge à Hawaii a bien décroché le titre en 50/54 ans. Rencontre.
Bonjour Anthony, peux-tu te présenter ?
Ça fait 30 ans que je fais du tri, j’ai commencé en 1991, gérer l’entrainement, le boulot la vie familiale c’est devenu un mode de vie, mon épouse est kiné libérale, elle fait énormément d’heures dans la semaine, il faut que je jongle avec tout ça, j’ai 2 enfants de 13 et 17 ans, ils font beaucoup de sport tous les 2 aussi… Ingénieur, agrégé de mécanique, j’enseigne dans une école d’ingénieur, je bosse à plein temps, nombre de fois où j’arrive au boulot à peine douché … les cours ont un niveau où il faut avoir de la compétence, préparations de stage, projets avec des entreprises… et moi je cale mes entrainements entre tout ça…
Et justement comment gères-tu l’entraînement ?
J’essaie de faire 15h par semaine (sur 3 semaines) , et quand je prépare un IRONMAN le mois avant j’essaie de monter à 20h sur 2 semaines, et avec ça, ça passe, après je fais pas mal de préparation mentale je l’ai vraiment mis en place de façon structurée cette année : lié à la motivation, à la gestion du stress d’avant course, c’est de la « préparation mentale à la réussite » que je fais seul, il y a plusieurs techniques et aussi pendant la course pour rester concentré, qu’aucun paramètre ne vienne me perturber.
Je ne fais pas un nombre d’heures énorme, c’est Stéphane Palazetti qui m’entraine, par contre j’ai des grosses intensités à faire, même dans les sorties longues, il y a des intensités dedans, c’est sa philosophie et moi ça me va très bien, ça fait un bon ratio heures d’entraînement/ résultat.
Pour la préparation, j’ai ma famille à 100% derrière moi je suis complètement suivi, par exemple si on va manger chez des copains un dimanche, j’y vais en vélo… On s’adapte, des fois c’est un peu compliqué, mais bon …Tu ne peux pas non plus sacrifier ta vie de famille … Il faut trouver le moyen que ce soit le plus transparent possible et que ça impacte tes proches.
Tu as remporté le titre de champion du monde dans ta catégorie d’âge… Peux-tu nous raconter ta course ?
C’était mon 15ème hawaii, mon 1er c’était en 2001…
Cette année tout s’est bien passé ! J’ai bien géré mon alimentation, des fois je suis un peu perdu sur les prises de gels… Pas blessures dans la préparation, alors que ça fait des années que j’allais à Hawaii en ayant des petits soucis avant … (zona facial en 2018, tendinite ou petites fissures de fatigue) des petits trucs qui te gêne, et là cette année tout a été nickel, l’entrainement s’est bien passé, le 70.3 de Nice a confirmé que j’étais en forme, j’ai fait une super course à pied, je savais qu’au niveau vitesse c’était bon après il fallait le conforter au niveau foncier et faire des sorties plus longues, ce que j’ai réussi à faire…
Ça fait un moment que je suis autour de la 5 et 10ème place, j’avais fait 2ème en 2010 en 40/45 ans je savais qu’en passant en 50/54 ans j’avais des chances d’être sur le podium (dans les 5) de là à être 1er c’était pas du tout gagné !
Ce sont les conditions de course et la forme du jour qui ont permis ça … Objectivement je visais le top 5, cette année, j’ai fait un très bon début de saison : je gagne ma catégorie au 70.3 Marbella, à l’Ironman Lanzarte, au Challenge Roth : ça te met en confiance, je me disais même que ce n’était pas possible que ça continue comme ça jusqu’à Hawaii …
La natation est un poil plus courte depuis 4/5 ans (2/3’ pour les pros) moi aussi du coup c’est flagrant on est passé d’un petit de 4000 m à un 3800 m environ…
A vélo l’an dernier c’était idéal pas de vent, cette année on a eu du vent sur le retour, on est plusieurs à perdre 15’ par rapport à 2018, un vent pour te rappeler que tu es à Hawaii, mais pas non plus excessif…
A pied c’était couvert on avait pas le soleil qui nous tombait dessus, il a fait chaud évidemment mais moins que l’an dernier ou en 2015 ( n.d.l.r. : en 2019 beaucoup de chrono marathon pour les professionnels sous les 3h et le record au général pour Frodeno)
Et avec les départs échelonnés beaucoup de temps entre les pros et les GA, ça fausse un peu avec ces vagues, mais par contre c’est super bien car il n’y a plus le problème du drafting quasiment, on n’a pas vu les énormes paquets des années précédentes, ça a lissé la course. Avant pour passer les paquets tu étais obligé de te mettre 3’ au taquet pour passer 50 gars, et dès que tu te relâchais ils te repassaient, c’était difficile à gérer.
Alors que cette année y avait quelques petits paquets de 5/6 gars mais ça allait c’était correct, tu pouvais avoir une vitesse constante et doubler sans mettre des à-coups, ils ont trouvé la solution contre le drafting !
Ma femme était avec moi à Hawaii c’était super de partager ça avec elle, elle était en liaison avec les copains sur internet en France, et mon fils qui a 17 ans était à fond sur le tracker, il savait où j’étais exactement, il envoyait des SMS à mon épouse, il a tout géré… Savoir où sont les copains aussi pour éventuellement les croiser… ça fait du bien de se sentir soutenu, quand tu passes aux tapis de pointage tu penses aux autres qui sont derrière leur écrans à te suivre ! C’est motivant !
Après toutes ces années qu’est- ce qui te motive encore à courir et t’entrainer ?
C’est surtout le partage avec les copains, à Beaune, il y en a toujours un pour dire l’an prochain on fait ça et ça y est c’est reparti !
Là, ils sont inscrits sur l’Ironman de St George, à voir donc …. L’émulation du Beaune Rougeot Triatlhon c’est important, on est souvent le club le plus représenté à Kona…
Cette année, c’était la première fois que je faisais Roth, j’étais motivé comme un gamin ! D’ailleurs je le refais en 2020 !
J’ai déjà la qualification pour Hawaii en 2020, en remportant mon groupe d’âge, à voir donc si je vais défendre mon « titre » car la dénomination de champion du Monde me gêne un peu, je suis le vainqueur de ma catégorie d’âge en 50/54 ans loin du vrai champion du monde : Jan Frodeno !