Jean-Baptiste WIROTH, Docteur en Sciences du Sport

Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr) / e-mail : [email protected]

Article paru dans TrimaX-magazine#164

 

 

En triathlon, en particulier longue distance, la partie cycliste est d’une importance cruciale car c’est souvent la plus longue en durée, et elle conditionne grandement la course à pied finale.

S’entraîner avec précision est donc fondamental pour qui veut progresser en vélo. Avec l’avènement des capteurs de puissance, l’entraînement a beaucoup évolué. La mesure de la puissance est maintenant possible grâce à des capteurs placés au niveau de la transmission (pédalier, moyeu, pédales). Cette source d’information est exceptionnelle pour les physiologistes, les coachs et les athlètes eux-mêmes, qui peuvent ainsi rendre leur entrainement beaucoup plus précis.

Voyons comment s’entrainer avec un capteur de puissance.

 

 

 

La Puissance

En physique, la puissance est la quantité d’énergie par unité de temps fournie par un système à un autre.

La puissance est toujours égale au produit d’une grandeur d’effort (force, couple, pression, tension, etc.) par une grandeur de flux (vitesse, vitesse angulaire, débit, etc). La puissance correspond donc à un débit d’énergie ! Elle est exprimée en Watt (W) du nom de son inventeur James Watt.

 

En cyclisme, la puissance mécanique développée est schématiquement le produit du couple de force appliqué aux pédales par la cadence de pédalage. Il est donc nécessaire de mesurer ces 2 paramètres pour accéder à la puissance. Plus on appuie fort sur les pédales et plus on tourne vite les jambes, plus on développe de la puissance.

 

A l’échelle du triathlète, le cyclisme s’apparente aussi à de la physique. Ainsi, plus un triathlète est puissant, plus il sera à même de vaincre les résistances externes (que sont la gravité ou la densité de l’air)… et plus son niveau de performance sera élevé.

La puissance dépend essentiellement de la morphologie, du niveau d’entraînement, des capacités innées et de la technique de pédalage.

 

On rapporte souvent la puissance au poids pour comparer les athlètes  entres eux. On parle de puissance relative et on l’exprime en W/kg.

Deux triathlètes de morphologie complètement différente peuvent donc avoir le même niveau et développer la même puissance relative.

 

Prenons un exemple :

Triathlète A : 1m80 / 80kg / 320 W de puissance au seuil

Triathlète B : 1m65 / 60kg / 240 W de puissance au seuil

Tout deux développent la même puissance relative à savoir 4 W/kg.

Dans l’absolu, ils auront donc le même niveau en montagne.

Sur le plat, c’est toutefois l’athlète A qui l’emportera car sa puissance brute est largement supérieure.

 

Les Capteurs de Puissance

C’est en 1987 que l’allemand Ulrich Schoberer a conçu le premier capteur de puissance : les SRM étaient nés. Depuis plusieurs autres systèmes ont émergé : Polar, Powertap, iBike, Quark, etc.

L’analyse ultérieure des données enregistrées permet même de visualiser 6 paramètres distincts : puissance, cadence, couple de force, vitesse, fréquence cardiaque et altitude.

Un capteur de puissance est donc un véritable laboratoire embarqué !

 

Quelques repères

Lors d’un effort en col, on peut donner l’échelle de puissance suivante :

– Avec 4-4,5 W/kg, le peloton est groupé

– Avec 5-5,5 W/kg, le peloton est plus petit…

– Avec 5,5-5,7 W/kg : les meilleurs sont encore ensemble

– Avec 5,7-6 W/kg : le meilleur se détache pour l’emporter

En plaine, la puissance est essentiellement fonction de l’aérodynamique, on utilise donc plutôt la puissance brute (en W) ou rapportée à l’aire frontale (W/m2).

 

Le profil de puissance

Le profil de puissance établit la relation entre la puissance maximale développée par un athlète pour des durées d’effort préétablies (5sec, 10sec, 30sec, … 1h).

Pour un triathlète, l’établissement du profil de puissance permet essentiellement d’évaluer l’évolution des capacités de manière longitudinale (dans le temps).

Le tableau ci-dessous présente deux profils de puissance réalisés en début, puis au cœur de la saison. La progression est particulièrement significative pour les efforts de 1 à 2 minutes et 20 à 30 minutes.

La représentation graphique permet de bien visualiser la progression notamment en terme de puissance maximale aérobie et de puissance au seuil.

 

 

Temps 20/03/10 20/07/10 Gain
5 sec 850 W 882 W + 3,8%
30 sec 625 W 638 W + 2,1%
1 min 345 W 375 W + 8,7%
2 min 324 W 355 W + 9,6%
3 min 308 W 325 W + 5,5%
4 min 296 W 300 W + 1,4%
5 min 288 W 290 W + 0,7%
10 min 280 W 295 W + 5,4%
20 min 273 W 305 W + 11,7%
30 min 267 W 296 W + 10,9%
1 h 222 W 233 W + 5,0%

 

 

L’objectif de ce triathlète sera donc de faire évoluer son profil vers le haut en s’entraînant spécifiquement selon les caractéristiques des épreuves qu’il prévoit de faire.

L’autre intérêt du profil de puissance est qu’il permet de situer le niveau  d’un triathlète par rapport à des valeurs de référence.

Pour gagner un triathlon, il faut par exemple développer 6 W/kg sur 3 min (soit 420 W pour un cycliste de 70kg). Pour terminer un Ironman dans de bonnes conditions, il semble incontournable de développer un minimum de 4 W/kg sur 3min (soit 280 watts pour un athlète de 70kg)

 

Comment établir son profil de puissance ?

Pour établir le profil de puissance, il est nécessaire d’équiper son vélo d’un capteur de puissance puis de réaliser des efforts maximaux pour des durées de 5 secondes, 10 secondes, 30 secondes, 1 minute, 4 minutes, 10 minutes, 30 minutes et 1 heure.

On réalisera les efforts en montée ou sur le plat selon que l’on prévoit de participer à des épreuves en montagne ou en plaine, sachant que la puissance est grosso modo 10% plus élevée en montée par rapport au plat.

Bien entendu, on ne réalisera ce type d’efforts que si l’on est certain d’être apte physiologiquement. La réalisation d’un test d’effort médicalisé est donc fortement recommandée en amont.

Le protocole proposé est le suivant :

  • Jour 1 : faire 45 minutes d’échauffement progressif puis réaliser 3 sprints de 12 secondes en prenant 3 minutes de récupération active entre chaque sprint. Dans la seconde partie de la séance faire 2 efforts maximaux de 1 minute séparés par 5 minutes de récupération active. Terminer par 10 minutes en mode « chrono ».

 

  • Jour 2: repos ou 1h de récupération active

 

  • Jour 3: faire 45 minutes d’échauffement progressif puis réaliser 2 efforts de 30 secondes en prenant 4 minutes de récupération active entre chaque sprint. Dans la seconde partie de la séance faire 2 efforts maximaux de 4 minutes séparés par 5 minutes de récupération active.

 

  • Jour 4: repos ou 1h de récupération active

 

  • Jour 5: faire 45 minutes d’échauffement progressif puis réaliser 20 minutes en mode « chrono »

Après chaque séance, il est nécessaire de télécharger les données sur son ordinateur et de les analyser avec un logiciel type Poweragent, Polar Precision Performance, ou Cyclingpeaks.

Comment s’entraîner ?

Si l’objectif est de préparer des épreuves courtes, alors la priorité est de s’entraîner autour de la PMA sur des intervalles courts type 30/30 ou encore avec le protocole Gimenez (1’ PMA / 4’ Récup Active à 70% de PMA).

Si l’objectif est de préparer des épreuves de longue distance, alors la priorité est de s’entraîner à 70-80% de FTP sur des intervalles longs de 10 à 30min.

 

Pour aller plus loin : http://www.wts.fr/maitriser-son-capteur-de-puissance-pour-sentrainer-et-performer/

 

 

L’expert vous répond

« Ne disposant pas d’un capteur de puissance, puis-je quand même établir mon profil en me basant sur des données cardiaques ? »

« Non ce n’est pas possible… La fréquence cardiaque n’est qu’un reflet de l’effort musculaire, en particulier pour les efforts brefs et intenses.

La FC ne permet pas de quantifier l’intensité de l’effort pour les sprints (efforts de 5 à 30 secondes).

A contrario, la mesure de la puissance permet de mesurer la réalité de l’effort musculaire quelque soit la durée de l’effort.

La mesure de la fréquence cardiaque est très adaptée aux débutants ou en période de reprise mais montre ses limites pour les sportifs accomplis.

Chez ces derniers, la fréquence cardiaque reste cependant intéressante pour mesurer l’évolution de la physiologie cardiaque avec l’entraînement et l’impact métabolique d’un effort d’endurance. »