Didier Woloszyn a réalisé l’équivalent de 33 Ironman en 33 jours (D.WOLOSZYN)
Ultra triathlète depuis plus de 20 ans, il a couru sur tous les plus grands triathlons de France, notamment le triple Ironman le défi du Fontanil, et l’Embrunman en VTT… ou encore les décaIronman (10x), mais cela ne lui suffisait pas ….
« Réaliser l’équivalent de 33 ironman en 33 jours, c’est le record un peu fou réalisé par Didier Woloszyn, entre le 25 juin et le 27 juillet dernier. Pourquoi s’est-il lancé un tel défi ? Dans quel état physique a-t-il terminé cette performance ? Ce Français de 42 ans, installé à Laval au Québec, revient pour Le Plus sur cette expérience.
3,8 kilomètres de natation, 180 kilomètres de vélo et 42,195 kilomètres de course à pied, voilà le rythme auquel je me suis astreint quotidiennement pendant 33 jours. Au total, j’ai donc parcouru 125 kilomètres à la nage, 5.940 kilomètres à vélo et 1.392 kilomètres à pied en un peu plus d’un mois !
C’est un rythme qui peut paraître fou, excessif, mais dont je suis parvenu à tirer un vrai plaisir. Malgré la douleur, la fatigue physique et nerveuse, j’ai l’impression d’avoir consommé du bonheur à l’état pur pendant ces 33 jours, d’avoir vécu un moment magique.
Je mangeais des purées sur le vélo
Chaque journée obéissait au même rituel.
– 5h45 : je me lève et je commence ma journée par de longs exercices d’étirements et d’assouplissements. Je m’enfile un petit-déjeuner fait de pain, de miel, de confiture et de protéines avant de partir pour la session natation.
– 7h : j’arrive à la piscine pour une heure d’effort dans l’eau.
Entre la séance de natation et celle de vélo, je profite d’une transition d’une vingtaine de minutes pour me doucher et m’alimenter à nouveau, avec cette fois des œufs brouillés et du sirop d’érable pour « menu ».
– 8h30 : je débute la « session » vélo. Les 180 kilomètres de vélo, soit près de 6 heures d’effort, représentent l’exercice souvent le plus complexe et éprouvant tant je dois lutter contre la douleur mais aussi et surtout contre le vent.
Je ne prends pas de pause, je m’alimente donc sur le vélo en mangeant viandes, poissons et féculents sous forme de purée, avec une cuillère. D’une manière générale, pour ce type d’efforts, il faut éviter autant que possible de manger des aliments sous forme solide.
– 15h30 : après une nouvelle transition d’une vingtaine de minutes, j’enchaine et je termine ma journée par un marathon.
Après un tel programme, la douche du soir devient alors très vite votre récompense quotidienne, un vrai moment de bonheur.
Didier Woloszyn s’alimentait en mangeant viandes, poissons et féculents sous forme de purée (B.BEAUCHAMP)
Le 20e jour, après 100 km à vélo, je me suis effondré
Pendant ces 33 jours, je n’ai jamais pensé à l’abandon. Mais des moments difficiles, oui, il y a en eu. Je me souviens avoir régulièrement pleuré certains matins en allant à la piscine. Il s’agissait plus de larmes de fatigue que de larmes de tristesse.
Mais c’est le 20e jour que j’ai vraiment connu une alerte sérieuse, un gros coup de fatigue sans doute lié à la chaleur qui régnait alors sur la ville.
Après 100 kilomètres à vélo, et alors qu’il m’en restait 80 à parcourir, plus le marathon, je me suis arrêté net, déshydraté, dépourvu totalement d’énergies. Je me suis allongé dans l’herbe, hagard, je suis resté comme ça pendant 30 minutes. Je pleurais, ma vision était altérée, et ma respiration difficile.
Des spectateurs qui me suivaient m’ont apporté à manger et à boire. Après un long moment de pause, j’ai retrouvé mes esprits et j’ai pu repartir. Ce sont des moments difficiles que tous les pratiquants de triathlon ont éprouvé un jour. Il ne faut pas s’affoler, et attendre.
Mise à part cette « alerte », physiquement, je ne ressors pas de cette épreuve cassé. Je ne ressens aucune courbature, je sens seulement que mes genoux sont fatigués et quelques ampoules au pied se sont infectées. Sur la fin de l’épreuve, j’ai été obligé de découper le dessus du bout de mes baskets afin d’éviter le frottement de la chaussure sur les orteils. La douleur était trop forte.
J’ai perdu 3 kilos et de la masse graisseuse
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce sont les premiers jours qui ont été les plus difficiles, pas les derniers – ma deuxième meilleure performance, c’est d’ailleurs le dernier jour que je l’ai réalisée.
Mais le temps que mon organisme s’adapte à ces 12 à 13 heures d’efforts physiques quotidiens, les premiers soirs, je n’éprouvais aucun appétit malgré la dépense d’énergie. Je ressentais une sensation d’écœurement.
Une semaine après le début de ce défi, la faim est revenue et il m’arrivait parfois de terminer la journée par une petit crème glacée, un truc bien gras mais tellement bon !
Le corps est une machine complexe et fascinante, qui nécessite en fait un temps d’adaptation. Mais une fois lancé, je me suis rendu compte que peu de choses pouvaient l’arrêter. Je me suis arrêté à 33 parce que je m’étais fixé cette limite mais j’étais en mesure de continuer.
Mon corps, je l’ai vu se transformer peu à peu, j’ai perdu du poids, de la masse graisseuse surtout au niveau du ventre et des jambes. De 83 kilos, je suis passé à 80. Tout au long de l’épreuve, j’étais surveillé par mon médecin, qui contrôlait mon état de santé par des prises de sang régulières.
J’étais dans une sorte de transe
Pour réaliser cette performance, je m’étais soumis à un rythme d’entrainement d’une vingtaine d’heures par semaine, six jours sur sept. Mais, au final, le moment le plus difficile à gérer fut le 34e jour. Le jour d’après.
Je me suis réveillé fatigué et sans envie, sans motivation. Le mental se relâche, le corps aussi, c’est une sensation terrible. Un sentiment de vide. Cela fait trois jours que j’en ai terminé et je sens que je vais devoir reprendre la course au plus vite pour ne pas tergiverser.
Car pendant 33 jours, j’étais coupé du monde, d’une certaine façon. J’étais en permanence entouré par mes proches, et par de nombreux spectateurs, mais j’étais focalisé sur ma performance, concentré, dans une sorte de transe.
Impossible, par exemple, de me souvenir de ce à quoi j’ai bien pu penser pendant ces nombreuses heures d’efforts physiques. La notion du temps est différente. Alors le retour à la vie normale surprend, déstabilise.
Ce fut un moment dur, parfois violent, pas toujours simple à vivre, pour moi comme pour mon entourage, et notamment ma femme qui devait s’occuper de mes repas, de mes lessives et de nos enfants. Mais quel bonheur de réussir un tel défi ! De conclure 33 jours d’efforts entourés par près de 200 personnes, d’avoir le sentiment, rien qu’une fois, de vivre un moment extraordinaire au milieu d’une vie ordinaire. »