Article rédigé par J.B Wiroth (WTS) paru dans le magazine 211 (novembre 2021)
Le triathlon est un sport d’endurance qui nécessite des qualités d’endurance et de puissance musculaire, notamment pour qui souhaite progresser et performer en compétition. Nous avons déjà vu dans de précédents numéros que le travail de gainage était indispensable pour “encaisser” l’entraînement triathlon, et aborder les épreuves dans de bonnes conditions. Dans ce sujet, nous passons au niveau supérieur avec la pliométrie, travail musculaire beaucoup plus explosif que le renforcement classique.
En pleine saison, le travail de renforcement musculaire de type pliométrique est un excellent moyen d’améliorer spécifiquement (et rapidement) sa puissance, mais aussi son endurance. Pour les triathlètes, l’entraînement pliométrique peut être très intéressant pour franchir un cap, en particulier en course à pied.
Focus sur les divers modes de contractions
Avant d’aborder les modalités pratiques, il est important de faire un rappel sur le mécanisme de la contraction musculaire. En effet, les fibres musculaires squelettiques peuvent se contracter de différentes manières :
- Le mode statique (ou isométrique) qui ne comporte pas de déplacements de segments osseux. Par exemple, on observe ce type de contraction musculaire en glissant après un plongeon ou avoir poussé sur le mur en natation. À vélo, lorsque l’on se laisse “glisser” en descente.
- Le mode dynamique comporte un déplacement des segments osseux. La contraction dynamique peut être de trois types :
- Concentrique : lorsque le muscle se raccourcit au cours de la contraction (comme quand on monte un escalier en courant, ou bien en vélo, quand on appuie sur les pédales)
- Excentrique : lorsque le muscle s’allonge tout en étant contracté (comme quand on saute à pieds joints en contrebas ou lorsque l’on court en descente).
- Pliométrique : lorsque sont immédiatement enchaînés une phase excentrique puis une phase concentrique. Les physiologistes parlent alors de cycle “étirement / raccourcissement” . Le muscle emmagasine de l’énergie lors de la phase excentrique d’amortissement, puis la restitue lors de la phase de détente. L’élasticité série du muscle et le réflexe myotatique expliquent ce phénomène. En natation et à vélo, le mode de contraction pliométrique n’intervient presque pas. En revanche, il est au cœur de la dynamique de course à pied. En outre, c’est un type de travail musculaire particulièrement intéressant pour qui veut gagner en efficacité.
Les effets de l’entraînement pliométrique
L’entraînement pliométrique améliore la vitesse de contraction musculaire, et développe la force maximale. Finalement, il y a donc un gain de puissance transférable. Sur le plan physiologique, le travail pliométrique permet principalement :
- De développer des niveaux de force supérieurs à la force maximale volontaire (150 à 200%).
- De diminuer le temps de couplage, qui est le temps séparant la phase excentrique de la phase concentrique. Ce délai doit être le plus bref possible pour faire intervenir les fibres rapides (<200 ms)
- D’augmenter la raideur musculaire, qui est la capacité élastique du muscle à emmagasiner de l’énergie et à la restituer.
En pratique
Le travail pliométrique est un entraînement extrêmement qualitatif qui permet d’avoir des résultats rapides en termes de gain de force. L’entraînement pliométrique va du simple enchaînement de bonds (sans charge), aux sauts en contrebas avec charge additionnelle.
Voici une liste non exhaustive d’exercices permettant de travailler sur un mode pliométrique.
Les exercices les plus courants sont :
- La corde à sauter
- Les rebonds sur place (squats jumps, fentes sautées)
- Les multibonds avec mini-haies
- Les détentes verticales sur place
- Les sauts en contrebas avec détentes verticales enchaînées
Outre la course à pied, certaines activités sportives engendrent un travail pliométrique
- les sports collectifs : volley-ball, basket, hand, foot
- les sports de glisse : ski alpin, kite, windsurf
Exemple de séance + pliométrie “facile”
- Echauffement : 10min vélo
- 3 séries de 20 coups de corde à sauter / Récupération 2min
- 3min de vélo en vélocité
- 2 séries de 10 squats jumps / Récupération 2min
- 3min de vélo en vélocité
- 2 séries de 3 fentes sautées / Récupération 2min
- Récupération : 10min footing + étirements
Exemple de séance de pliométrie “difficile”
- Echauffement : 10min vélo
- 5 séries de 50 coups de corde à sauter / Récupération 1min
- 3min de vélo en vélocité
- 4 séries de 10 fentes sautées / Récupération 1min
- 3min de vélo en vélocité
- 3 séries de 3 sauts en contrebas avec détentes verticales enchaînée / Récupération 1min
- Récupération : 10min footing + étirements
Voici quelques conseils complémentaires visant à optimiser la qualité du travail :
- Limiter la flexion lors de la phase excentrique (ne pas dépasser 80° de flexion au niveau du genou) pour éviter que le temps de couplage soit trop long
- Prévoir des phases de récupérations relativement longues entre les séries (5-10min)
Attention : Etant donné l’importance des contraintes exercées sur les muscles, les tendons et les articulations, l’entraînement pliométrique peut générer des blessures. Il doit donc être entrepris lorsque l’on est proche de son poids de forme.
En outre, il faut être très progressif. En effet, il est nécessaire d’avoir une force musculaire suffisante, tout en maîtrisant parfaitement la technique gestuelle pour obtenir des résultats concluants sans prendre de risque.
On recommande par exemple d’être capable d’exécuter 5 squats sur une jambe (sans charge) avant d’entreprendre un travail pliométrique à poids de corps. Le travail pliométrique avec charge additionnelle n’est réservé qu’aux athlètes très entraînés et ne doit pas dépasser 20% du poids corporel.
Cet hiver, nous aborderons dans cette rubrique la thématique du renforcement musculaire pour gagner en force maximale.
L’expert vous répond
« Je m’entraîne 4 à 5 fois par semaine (2 séances de natation, 2 footings, 1 sortie vélo). Puis-je inclure de la pliométrie pendant mes séances de course à pied ? »
C’est une excellente idée ! En effet, une étude récente* menée par l’équipe du Professeur Ache-Dias (Université de Florianopolis – Brésil) a comparé les effets de 4 semaines d’entraînement en course à pied en endurance (40min de footing – 3 séances par semaine) versus le même entraînement, agrémenté de 4 à 6 séries de sauts répétés pendant 30 secondes. Finalement, les coureurs ayant inclus des séries de squats jumps répétés ont progressé en force (+29,5%), en puissance (+ 9,5%) et même en VO2max (+9,1%).
Le fait d’inclure des répétitions de sauts sur un mode “entraînement par intervalles” semble donc être un bon moyen pour progresser sur le plan musculaire et cardiovasculaire. Afin d’optimiser l’exercice, n’hésitez pas à terminer votre séance par 10 à 20 minutes de pédalage sur home-trainer pour faire un transfert neuromusculaire vers le cyclisme.
Référence
* Effect of jumping interval training on neuromuscular and physiological parameters: a randomized controlled study. Ache-Dias J, et al. Appl Physiol Nutr Metab. 2016 Jan;41(1):20-5.